Lefigaro.fr : "La e-cigarette sous-estimée dans la lutte anti-tabac"
13 mai 2016 2016-05-13 11:55Lefigaro.fr : "La e-cigarette sous-estimée dans la lutte anti-tabac"
«Certes, nous ne savons pas tout de la cigarette électronique. Mais on sait qu’elle est beaucoup moins nocive que la cigarette», rappelle le Dr William Lowenstein, médecin spécialisé dans les addictions à Paris et président de l’association SOS Addictions. En mai 2013, un rapport très complet de l’Office Français de Prévention du Tabagisme indiquait que «l’e-cigarette, bien fabriquée et bien utilisée est en elle-même un produit qui présente des dangers infiniment moindre que la cigarette», mais soulignait néanmoins que «les dangers ne sont pas totalement absents». L’e-cigarette peut fortement participer au maintien de la dépendance à la nicotine.
Du côté britannique, les autorités recommandent le vapotage aux fumeurs depuis la publication d’unrapport en août 2015 par l’Agence de santé publique (la Public Health England). Ce dernier révèlait que l’usage de l’e-cigarette réduit les risques d’au moins 95 % par rapport à la cigarette classique. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) s’est également prononcée en février 2016 en faveur de l’utilisation de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique. Mais les professionnels de santé présents lors du sommet dénoncent le manque d’action du ministère de la santé en faveur de cette porte de sortie. Pour l’heure, le ministère est essentiellement occupé à transposer la directive européenne 2014/40/UE du 3 avril 2014, qui doit entrer en vigueur le 20 mai prochain. Elle vise notamment à interdire toute communication ou publicité sur la cigarette électronique et à diminuer la taille des flacons de e-liquide, qui ne pourront désormais plus dépasser 10ml, ce qui obligera les vapoteurs à en acheter plus régulièrement. Des mesures qualifiées de «scélérates» par les médecins présents au Sommet de la vape.
Non-assistance à fumeurs en danger
«On préfère appliquer un principe de précaution qui empêche l’essor de la vape, alors que la situation du tabagisme est catastrophique. L’idée n’est pas d’obtenir le risque zéro mais de réduire les risques. Exclure l’utilisation de la cigarette électronique dans le cadre d’un sevrage tabagique, c’est une non-assistance à fumeurs en danger», insiste le Dr Lowenstein. En France, entre 1,1 et 1,9 million de personnes utiliseraient quotidiennement la cigarette électronique, dont 67 % dans le but d’arrêter ou de réduire la consommation de tabac.
Pour Daniel Thomas, cardiologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris) et vice-président de l’association Alliance contre le tabac, la question de l’usage simultané du tabac et de la e-cigarette est centrale: «Je suis persuadé que si la cigarette électronique se substitue totalement à la cigarette, il y a bien une réduction des risques. Mais ne leurrons pas les vapoteurs en leur disant qu’ils réduisent leur risque s’ils continuent à fumer par ailleurs». Selon une enquête de l’Observatoire Français des drogues et des toxicomanies (OFDT) datant de février 2014, «l’usage exclusif de la cigarette électronique reste assez peu répandu, mais pourrait se développer au fur et à mesure que les fumeurs réduisent leur dépendance au tabac grâce à ce produit». Chez les gros fumeurs (plus de 21 cigarettes par jour), une étude montre que la e-cigarette permet une réduction de la consommation de tabac de 9 cigarettes par jour en moyenne.
Concurrente du tabac chez les jeunes
Mais la cigarette électronique ne plaît pas qu’aux fumeurs: entre 2012 et 2014, la part des adolescents ayant déjà expérimenté ce produit est passée de 8 à 90 %, alors même que la vente de ce produit est interdite aux mineurs depuis juin 2013. Une ascension hors du commun, qui éveille la crainte d’une nouvelle voie d’entrée dans le tabac. Mais les résultats de l’étude «Paris Sans Tabac» mettent en évidence une «baisse inattendue» du tabagisme chez les adolescents depuis l’apparition de la cigarette électronique. En effet, le taux de fumeurs chez les 16 – 19 ans est passé de 39,5 à 29 % entre 2013 et 2016 -et ce avec un taux de vapotage relativement stable (8,3 % à 9,2 %). Soit l’effet inverse à celui initialement escompté.
«Dans l’histoire des addictions, la plupart des changements sont venus des usagers eux-mêmes, explique Jean-Pierre Couteron, psychologue et président de la Fédération Addiction. Il faut que les politiques comprennent que les pratiques des usagers ne sont pas forcément mauvaises», conclut-il.