Le mot du président
13 janvier 2014 2014-01-13 12:12Le mot du président
« Nous sommes face à une chronique de catastrophe annoncée »
DR : Docteur Lowenstein, vous êtes le président de SOS Addictions, pourquoi avoir créé cette association ?
WL : J’ai créé SOS Addictions parce que nous sommes au 21e siècle et que nous avons sur l’addiction un regard, une parole publique et même une parole institutionnelle qui est trop rétrograde. Nous avons 130 000 morts par an, dus à l’alcool et au tabac, quarante fois la mortalité routière, nous avons 11,5 millions de Français qui mangent des tranquillisants, des somnifères comme s’il s’agissait de Tic Tac, nous avons une jeunesse qui consomme de plus en plus tôt du cannabis mais aussi de l’alcool, de l’extasie ou des nouvelles drogues de synthèse. Nous sommes face à une chronique d’une catastrophe annoncée et nous n’avons pas la réactivité, aussi bien institutionnelle que citoyenne, qui s’impose. Donc, SOS Addictions se propose d’être ce premier pas vers un élan, vers un mouvement qui soit à la fois un mouvement de mobilisation national publique, un mouvement de lobbying politique pour restructurer un pilotage au plus haut niveau, et enfin, comme ce fut le cas pour le sida, avec la présence de personnalités médiatiques, de personnes qui ont une importance exemplaire. SOS Addictions, c’est tout ça, une volonté, des experts, des citoyens, des artistes, des entrepreneurs, parce que les addictions nous concernent tous et qu’il est temps de réagir.
DR : Vous avez fait appel à de nombreux experts de tous horizons, pourquoi ?
WL : Les addictions concernent de plus en plus de sujets : des nouvelles drogues de synthèse à la cigarette électronique en passant par les addictions alimentaires. Nous avons fait appel à quarante experts qui connaissent bien chaque sujet pour pouvoir répondre précisément, pas simplement médicalement avec des généralités, ou scientifiquement, mais aussi avec des faits précis. Cela peut intéresser chacun tout comme les journalistes, de savoir finalement quel est le spécialiste des médicaments de substitution opiacés ou de l’addiction sexuelle ou éventuellement de la problématique du cannabis chez les plus jeunes.
« Beaucoup d’activités de prévues et j’espère, encore une fois, beaucoup de participation et de suivi. »
DR : Quelles actions allez-vous mener dans les prochains mois avec SOS Addictions ?
WL : un certain nombre d’actions sont sur les rails, si j’ose dire, et seront de ce fait en ligne bientôt. Nous allons participer au congrès Santé et Entreprise, organisé par le mouvement citoyen Ethic, car il est fondamental de mobiliser les entreprises et les chefs d’entreprise sur les addictions et plus généralement sur la santé.
Deuxième projet, un film de prévention avec les étudiants de Luc Besson. Troisième projet, une conférence avec l’université Quart-Monde pour les addictions chez les plus vulnérables, d’un point de vue social, d’un point de vue précarité.
Et puis d’autres projets, qu’ils soient politiques artistiques ou culturels pour le deuxième semestre 2014. Beaucoup d’activités de prévues et j’espère, encore une fois, beaucoup de participation et de suivi.
« On peut faire beaucoup mieux, beaucoup plus protecteur dans le champ des addictions »
DR : Quelles sont les objectifs de SOS Addictions ?
WL : Les objectifs de SOS Addictions sont, avant tout, d’apporter une parole moderne et lisible par tous sur la problématique des addictions. Il y a aujourd’hui des solutions de prévention, de réduction des risques ou de soins. C’est le premier objectif de SOS Addictions de diffuser ces possibilités-là. On peut faire beaucoup mieux dans le champ des addictions, beaucoup plus protecteur.
Le deuxième objectif, un peu comme l’avait fait l’association AIDES pour le sida, est de mobiliser l’ensemble, d’être en cohérence avec n’importe quel citoyen mais aussi avec n’importe quel politique qui prend une décision dans ce champ des addictions.
Et sans doute un des objectifs les plus importants de SOS Addictions, de participer à un changement de regard sur les personnes addictes. Les personnes addictes sont des personnes qui, très souvent, ont de trop belles qualités. Ce qui va faire la vulnérabilité face à une addiction d’une personne, c’est souvent son appétit excessif, sa grande sensibilité, sa grande réactivité. On porte un regard encore moral, de jugement, sur les personnes addictes. On devrait porter un regard médical et surtout un regard beaucoup plus protecteur et respectueux. SOS Addictions, c’est donc un regard et un ton. Un ton juste parce que la science a apporté beaucoup d’informations sur le sujet, et surtout, un ton de respect pour cesser de considérer les personnes addictes comme des coupables ou des victimes, mais simplement comme des personnes dont les trop belles qualités, encore une fois, ont souvent fait leur vulnérabilité.
« On revient à la réalité, si l’on consomme il vaut mieux tard que trop tôt »
DR : Pourquoi avez-vous pris comme premier axe cette année, les jeunes ?
WL : SOS Addictions s’est donné un axe transversal qui est : comment retarder l’âge du premier usage chez les jeunes, car il y a une certitude scientifique. Bien sûr mieux vaut jamais, mais c’est un monde utopique, mieux vaut ne jamais consommer de substances, mieux vaut ne jamais être addicte, mais, et là on revient à la réalité, si l’on consomme, il vaut mieux tard que trop tôt. Il vaut mieux consommer le plus tard possible. Or dans notre pays, si on prend l’exemple de l’alcool et du cannabis, on voit que les abus sont de plus en plus précoces.
Chez l’adolescent, ce que nous devons comprendre, c’est que ces substances agissent sur des cerveaux immatures, sur des cerveaux en formation, et que les dangerosités, c’est-à-dire les risques de handicap, de fonctionnement dans la société, d’apprentissage, de mémoire, de concentration, sont au rendez-vous en cas d’usage et d’abus précoces.
Donc le problème des adultes, par exemple avec le cannabis, est un problème politique, un problème d’usage, un problème sanitaire qui n’est pas si compliqué que cela parce que le cannabis tue deux fois moins que le Doliprane. Mais, et c’est toute l’importance du « mais », chez l’adolescent il y a un vrai risque sur un cerveau immature de créer des handicaps pour toute l’existence de cette adolescence. Ca ne veut pas dire pour tous les adolescents, mais si ce n’est que pour 15 % des adolescents cela fait déjà deux élèves par classe qui paieront cet usage précoce que l’on doit apprendre à éviter.
« Le pouvoir d’informer et le devoir de protéger. »
DR : En quelques mots SOS Addictions c’est quoi ?
WL : Nous avons choisi pour SOS Addictions la formule suivante : le pouvoir d’informer, le devoir de protéger. Le pouvoir d’informer parce que aujourd’hui au 21e siècle, on a encore trop souvent qu’un réflexe de peur, d’incompréhension ou de honte face aux addictions alors que les connaissances ont extraordinairement évolué. Et le devoir de protéger parce qu’on a su faire en France face à des problèmes extraordinairement complexes comme le sida ou la sécurité routière. On s’est remarquablement organisés à la fois politiquement mais aussi de façon citoyenne, avec tous les acteurs de la société civile, les entrepreneurs, les artistes, les différents responsables, les parents. C’est ce que nous voudrions faire avec ce devoir de protéger, que l’on se sente tous concernés certes, mais aussi tous en possibilité d‘apprendre à protéger ceux que l’on dit aimer.