Gaz hilarant un autre son de cloche sur le protoxyde d’azote
3 mars 2025 2025-03-03 11:16Gaz hilarant un autre son de cloche sur le protoxyde d’azote
Communiqué de presse
Nous, soignants qui utilisons quotidiennement le protoxyde d’azote (N2O) associé à l’oxygène sous forme de MEOPA (mélange contenant 50% d’oxygène et de protoxyde d’azote) et autres acteurs de santé sommes très inquiets de voir l’avalanche médiatique actuelle qui présente le protoxyde d’azote (le gaz hilarant) comme un produit extrêmement dangereux et nocif. Ces messages alarmistes sont largement diffusés sous un jour dramatique ; Le protoxyde d’azote «la nouvelle drogue qui, rend fou les adolescents, il cause des ravages sur la santé, il peut entraîner une addiction, des accidents graves, des troubles neuro-moteurs, des fourmillements, des AVC des décès … Cette confusion entre l’usage récréatif du protoxyde d’azote pur et l’usage du mélange oxygène/protoxyde d’azote (MEOPA) par les professionnels de santé est grave car elle risque de limiter l’utilisation d’un médicament antalgique très largement utilisé en France.
Un projet de loi est en cours d’élaboration pour en interdire l’achat par les particuliers. Il est incontestable qu’il existe en Europe une explosion du mésusage du protoxyde d’azote pur et que des mesures correctrices sont nécessaires mais ces messages risquent de participer à la disqualification, la diabolisation d’un médicament essentiel au quotidien.
Nous voulons rappeler les bénéfices majeurs du MEOPA dans la prise en charge de la douleur provoquée par les soins. Le protoxyde d’azote est classé parmi les médicaments essentiels par l’organisation mondiale de la santé. Le MEOPA a révolutionné, en France, la prise en charge des soins douloureux. Le 15 décembre 1992 à l’UNESCO lors de la seconde journée PEDIADOL consacrée à la douleur de l’enfant, furent projetées des vidéos montrant les effets bénéfiques du MEOPA sur les enfants leucémiques de l’hôpital Trousseau (Paris). Pour la première fois des ponctions lombaires, des prélèvements de moelle effectués sur des enfants souriants, en présence des parents, et surtout sans contention physique. Très rapidement en moins de 5 ans, la majorité des services d’oncohématologie pédiatrique adoptèrent cette méthode. Tous les services pédiatriques ainsi que les urgences en disposent dorénavant et l’utilisent quotidiennement, les adultes et les personnes âgées peuvent aussi dorénavant en bénéficier.
Le MEOPA peut être administré en toute sécurité par de nombreux professionnels formés : médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers, sages-femmes, kinésithérapeutes. Malgré sa puissance modeste, le MEOPA rend d’immenses services. La combinaison d’un effet anxiolytique souvent euphorisant et antalgique permet de dissocier la part désagréable de la perception douloureuse. Cette « sédation consciente » est particulièrement utile dans la réalisation de soins douloureux et/ou anxiogènes. La brièveté d’action qui disparait en quelques minutes et l’absence d’accumulation dans l’organisme participent ainsi à sa grande sécurité.
Un effet puissant anti dépresseur sur les dépressions rebelles est maintenant de mieux en mieux documenté chez l’adulte.
Le N2O est un gaz naturel émis majoritairement par la décomposition des sols, les engrais azotés, les océans, les déjections animales, il est aussi produit industriellement pour la fabrication entre autres de gaz propulseur pour les siphons de crème chantilly. C’est ce dernier usage qui fait l’objet d’un détournement récréatif, grâce à des petites cartouches de N2O pur qui est transféré dans un ballon puis inhalé. Cette consommation est en pleine expansion du fait de sa disponibilité en vente libre en magasin et sur Internet, son coût réduit et l’arrivée sur le marché de bonbonnes contenant l’équivalent de 80 cartouches (640 g) alors que l’usage était limité à des mini cartouches de 8 g permettant quelques inhalations.
Des toxicités neurologiques (paralysie…) majoritairement réversibles, des thromboses dues à un déficit en Vitamine B12 sont régulièrement décrites, ces effets indésirables graves concernent quasi exclusivement des inhalations de N2O pur, pluriquotidiennes durant plusieurs semaines. L’inhalation de MEOPA dans un cadre médical n’est quasiment jamais concernée. Il est donc erroné de laisser croire que ces effets toxiques graves peuvent survenir chez tout utilisateur de protoxyde d’azote. Une excellente mise un point vient de paraitre dans le Lancet Public health, le 7 février dernier1, elle éclaire très bien la complexité de cette problématique.
Le risque de mésusage des médicaments antalgiques est bien connu : opioïdes, kétamine, pregabaline, nefopam, benzodiazépine… inversement des produits classés initialement comme des « drogues » obtiennent le statut de médicament : cannabis, psilocybine… Ce risque de mésusage ne doit être ni nié ni surestimé. La prohibition du protoxyde d’azote ne résoudra pas le problème, comme pour toutes les substances addictives, elle risque d’en créer de nouveaux : détournement, vol de bouteilles de protoxyde d’azote médical ou industriel vers le marché illicite, approvisionnement dans des pays où le produit n’est pas contrôlé ou substitution par des substances plus nocives. Il est par contre essentiel de sensibiliser les professionnels, les usagers, les parents, les éducateurs à repérer les mésusages, les signes évocateurs d’une complication neurologique, les comportements à éviter en cas de consommations massives.
Plusieurs autres mesures apparaissent nécessaires pour mieux réagir à l’« explosion » des consommations récréatives :
- Mieux connaitre les comportements, les représentations des usagers, les circuits commerciaux et des volumes utilisés. Des études épidémiologiques prospectives permettant entre autre de quantifier le nombre d’effets indésirables graves liées au protoxyde d’azote et la prévalence des mésusages.
- Mieux informer le public et les professionnels de santé sur les risques du mésusage de ce produit en évitant les réponses binaires (« ange ou démon »)
Le mélange oxygène protoxyde (MEOPA) possède une excellente « balance bénéfice risque » qui le positionne en première place pour les soins douloureux chez l’enfant, l’adulte et la personne âgée.
Contact presse : Pr Daniel Annequin tel 06 80 25 86 74 doc.annequin@yahoo.fr
Premiers signataires au 25/02/2015 :
- Groupe PEDIADOL la douleur de l’enfant www.pediadol.org
- Société Française d’étude et de traitement de la douleur SFETD www.sfetd-douleur.org
- Association SPARADRAP www.sparadrap.org
- Centre National de Ressources Douleur CNRD www.cnrd.fr
- SOS Addictions www.sos-addictions.org
- Conseil National Professionnel de pédiatrie (CNPP)
- Zaloum, S. A. et al. Tackling the growing burden of nitrous oxide-induced public health harms. Lancet Public Health 0, (2025).