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Justice pénale et addiction: un déni de vulnérabilité

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Justice pénale et addiction: un déni de vulnérabilité

LA PRISON ou les soins ? Le traitement médiatico-judiciaire de l’affaire Palmade aura eu le bénéfice de mettre en lumière tant la méconnaissance certaine du grand public que le désintérêt dans l’institution judiciaire des problématiques d’addiction dans le traitement pénal des infractions qui y sont liées.
Si pour les soignants, ou les avocats, la détention est perçue facteur aggravant de l’addiction, plutôt que curatif ; pour d’autres, elle est un enjeu de la récidive, l’idée sous-tendue étant que plus on serait malade, plus on serait dangereux.
Cette affaire a encore interrogé quand l’on sait que le taux d’occupation carcérale atteint en France des sommets, que l’offre de soins y reste bien inférieure à celle disponible en milieu libre et que, dans le même temps, une récente étude conclut que la moitié des personnes détenues interrog6es dans ce cadre est concernée par une addiction, deux tiers à la sortie.

De fait, aux stades pré- comme post-sentenciel la question de la maladie addictive semble difficilement imprégner les juridictions pénales chargées de traiter les effets plutôt que les causes.

Pourtant reconnue comme telle, cette pathologie n’est donc prise en compte, dans l’appréciation de la personnalité des prévenus, qu’à titre de seul renseignement sinon comme constitutive de risque de réitération, et dans le cadre de l’appréciation de la peine, qu’à titre de circonstance aggravante.
Ainsi, dans les faits, la justice ne distingue encore pas réellement une consommation occasionnelle, habituelle et chronique, que la Mildeca (Ministère interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives) désigne pourtant elle- même comme une « pathologie cérébrale ».
D’ailleurs, et alors qu’elle est souvent déterminante à l’appréhension du parcours de vie de la personne poursuivie comme du contexte de son passage à l’acte, aucun expert en addictologie ne figure sur les listes des experts judiciaires, pourtant les mieux à même de déterminer avec exactitude la nature et l’étendue des troubles rencontrés comme leur lien de causalité avec le passage à l’acte ou encore la prise en charge la mieux adaptée de la personne poursuivie
Ainsi et alors que, pour nombre de médecins, l’addiction a pour conséquence directe que « savoir ou vouloir n’est plus pouvoir », les conséquences juridiques et factuelles des infractions liées à une conduite addictive restent appréciées de façon très disparate, et sont ainsi sujettes aux sensibilités des magistrats. Les décisions rendues s’en trouvent alors incompréhensibles pour les intéressés et leurs familles.

La responsabilité et la prise de personnes poursuivies souffrant d’addiction à l’alcool, aux drogues, ou encore au sexe, que les juridictions ont toujours davantage à connaître, reste donc, en 2023, une question majeure pour la justice pénale, notamment au regard de l’efficacité de la réponse pénale.

S’il a été annoncé la création d’une juridiction spécialisée dans les affaires de violences intrafamiliales, qui entretiennent d’ailleurs des liens étroits avec l’addiction, peut-être est-il également temps que la France, premier pays consommateur d’Europe, se penche comme d’autres pays l’ont fait avec succès, sur la création d’une juridiction spécialisée dans la délinquance liée à l’usage de drogue ou, à tout le moins, sur une articulation pragmatique renforcée entre les systèmes judiciaire et sanitaire.

Par Agnès Lowenstein

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