LE MONDE – Débats et analyses : « Ne parlons pas trop vite d’autisme et d’addiction »
20 février 2018 2018-02-20 10:01LE MONDE – Débats et analyses : « Ne parlons pas trop vite d’autisme et d’addiction »
LE MONDE – Débats et analyses : « Ne parlons pas trop vite d’autisme et d’addiction »
Nous sommes signataires d’une Tribune publiée dans Le Monde du 18 février 2018 sur l’usage des écrans par les jeunes enfants
« Ne parlons pas trop vite d’autisme et d’addiction »
Depuis quelque temps se multiplient des vidéos sur YouTube, des articles dans les médias, et des émissions télévisées et de radio mettant en avant une addiction aux outils numériques chez les tout-petits, et un lien supposé entre un usage excessif des écrans chez les plus jeunes et la survenue de troubles du spectre autistique.
17 associations de professionnels du soin, de la prévention et de chercheurs spécialisés dans le champ de la petite enfance, de l’enfance, de l’autisme et de l’addiction, tirent la sonnette d’alarme dans une tribune au Monde (18-19 février 2018). Ces informations à caractère sensationnel largement relayées par certains médias sont non seulement infondées sur le plan scientifique, mais elles entretiennent un climat de panique morale qui fait obstacle à une compréhension raisonnable des problèmes et ne permet pas de sensibiliser efficacement l’opinion sur les risques liés à un usage excessif des écrans.
Il est essentiel de promouvoir un usage raisonné et raisonnable des écrans mais il est erroné et contre-productif de charger les écrans de tous les maux.
En effet :
- Aucune étude à ce jour ne permet d’établir un lien entre consommation d’écrans et autisme ;
- Attribuer des symptômes autistiques cliniquement constatés à une consommation excessive d’écrans fait courir le risque d’un retard de diagnostic et de prise en charge de troubles développementaux sous-jacents ;
- Enfin l’addiction aux écrans n’a à ce jour été reconnue ni par l’Académie de médecine (2012), ni par l’Académie des sciences (2013), ni même par le plus récent DSM-5 ; l’OMS est actuellement en pourparlers à ce sujet, mais si elle fait le choix de reconnaître cette addiction, il s’agira de voir avec quels critères, et il est fort peu probable qu’elle concerne les enfants de moins de 4 ans.
Les risques liés à une pratique excessive des écrans chez les jeunes enfants sont bien réels et ils ont fait l’objet de plusieurs études (conséquences sur l’attention, la concentration, le développement de l’empathie, les compétences socio-relationnelles). Cependant ce n’est pas en agitant le spectre de l’autisme ou de la drogue qu’on les limitera, mais en faisant un travail d’information et d’éducation permettant de favoriser l’émergence d’une société connectée et responsable.
C’est bien là le défi que nous devons relever collectivement, pour mettre en place des règles de bon usage des écrans dans un souci de prévention éclairé et raisonné.
Signataires pour leur association :
Jacques Angelergues (vice-président, Cerep-Phymentin), Patrick Belamich (président, Fédération des Centres Médico Psycho Pédagogiques), François-Marie Caron (past président, Association Française de Pédiatrie Ambulatoire), Marie-Noëlle Clément (vice-présidente, Programme de Recherches et d’Etudes sur l’Autisme), Michel Dugnat (président, Association Recherche Information Périnatalité), Agnès Florin (présidente, Association Francophone de Psychologie et de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent), Bernard Golse (président, Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s’occupant de personnes avec Autisme et membres associés), Jean-François Havreng (président, Association Nationale des Hôpitaux de Jour), William Lowenstein (président, SOS addictions), Denis Mellier (co-président, World Association for Infant Mental Health France), Georges Picherot (président, Groupe de Pédiatrie Générale de la Société Française de Pédiatrie), Pascal Plantard (co-directeur, Groupement d’Intérêt Scientifique M@rsouin), Dominique Ratia Armengol (présidente, Association Nationale des Psychologues pour la petite enfance), Catherine Salinier (présidente, Pédiatres du Monde), Pierre Suesser (co-président, Syndicat National des Médecins de PMI), Serge Tisseron (président, Trois Six Neuf Douze), Michel Wawrzyniak (président, Fédération Nationale des Ecoles des Parents et des Educateurs)
Nous avons depuis été rejoints par d’autres associations professionnelles : Edmond Perrier (président, Association d’Etude en Pédopsychiatrie)
Ainsi que par plusieurs associations de parents : Mireille Battut (présidente, La Main à l’Oreille), Fabrice Bonnet (président, Autisme Pluriel), Rica Levy (présidente, Association Pelagie), Patrick Sadoun (président fondateur, Rassemblement pour une Approche des Autismes Humaniste et Plurielle et Autisme Liberté)
La tribune en image :