Politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool : La Fédération Addiction et de l’Association SANTé! analysent le rapport de la Cour des comptes
4 juillet 2016 2016-07-04 13:45Politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool : La Fédération Addiction et de l’Association SANTé! analysent le rapport de la Cour des comptes
Politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool : La Fédération Addiction et de l’Association SANTé! analysent le rapport de la Cour des comptes
La Cour des Comptes dénonce les incohérences de notre politique de santé sur les méfaits de l’alcool. L’Etat ne réagit pas. La Fédération addiction et SOS Addictions lui tendent à nouveau la perche… »
Coût des politiques alcool : ne pas compter sans la Réduction des Risques !
- Les constats de la Cour des comptes1 rejoignent ceux des professionnels du soin, de la Réduction des Risques et de la prévention liés aux usages d’alcool : il n’y a pas de politique publique coordonnée et cohérente, dotée de moyens suffisants, y compris pour la recherche et son versant expérimentation, capable de répondre à l’étendue et à la diversité des problèmes constatés sur le terra
- La Cour dénonce avec raison la faiblesse de l’état, au nom d’intérêts économiques à court terme et le rôle ambigu des lobbies alcooliers en faveur d’une consommation modérée dont ils détournent le sens en le dénaturant par une publicité et un accès sans limite.
- Dans son évaluation des soins, la Cour note l’amélioration des réponses sanitaires, mais regrette que la rencontre soit trop tardive dans la trajectoire de vie de l’usage Elle propose d’y répondre par une nouvelle tentative de diffusion du Repérage Précoce et de l’Intervention Brève (RPIB) en médecine de ville, la précédente ayant échoué. Elle n’aborde ni l’expertise sur les nouveaux usages d’alcool, les nouvelles pratiques d’intervention et leurs enjeux en matière de santé publique ni le rapport coût/bénéfices d’une politique limitée à la prévention primaire et au traitement de la dépendance. Cet oubli des interventions de Réduction des Risques et de la gestion des consommations réduit ses autres recommandations au seul versant du renforcement des dispositifs actuels de contrôle et de répression :
- Agir sur le prix de l’alcool et sa fiscalité ;
- Alourdir les sanctions encourues en cas d’alcoolémie routière ou d’ivresse publique ;
- Supprimer tout alcool sur les lieux de trava
Sortir d’une logique binaire : abstinent ou dépendant
Nous, acteurs de terrain et de santé publique, engagés dans l’accompagnement des personnes en difficulté avec l’alcool, affirmons que la réduction des coûts économiques et sociaux liés aux usages d’alcool passe par des réponses variées. L’abus d’alcool continue d’être à ce point une « maladie honteuse » que nombre d’usagers et de professionnels préfèrent éviter de l’aborder et la réponse qui traite la dépendance par la seule abstinence éloigne par sa complexité trop de personnes qui pourraient solliciter une aide et un soin. Les actions de contrôle et de répression, les réponses sanitaires, les
injonctions au changement et les campagnes en faveur du « zéro alcool » ne peuvent à elles seules combler le déficit de politique dénoncé. Elles génèreraient un coût plus élevé que celui évalué par la Cour des comptes pour des résultats plus incertains. La guerre aux drogues a déjà donné l’exemple d’un coût exorbitant, de résultats insignifiants et d’effets dévastateurs.
Un monde sans alcool après l’échec d’un monde sans drogue ?
Les progrès de la science établissent que le risque cancer existe « dès le premier verre », illustrant le danger de l’alcool et de sa banalisation. Mais ils ne peuvent servir au rejet d’une consommation maîtrisée, socialement intégrée et permettant le maintien de la qualité de vie des personnes, sauf à défendre l’idée d’un monde sans alcool, après l’échec du monde sans drogue ou laisser toutes celles et ceux qui optent pour un usage modéré en trouver dans les ambigus conseils des industriels le point d’équilibre. Repenser la politique alcool au regard des données de la science nécessite de la doter, en plus des réponses réglementaires et soignantes, d’une politique de Réduction des Risques diversifiée, prenant soin d’écouter ce que les usagers ont à dire de leurs pratiques et les accompagnant, dès leur entrée dans l’usage, à la meilleure gestion possible, dans le respect de leurs besoins, désirs et capacités. Et c’est seulement ainsi que nous cesserons de produire des politiques publiques coûteuses et inefficaces.