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Nos collègues canadiens démolissent enfin le french paradoxe sur le vin

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Actualité des addictions

Nos collègues canadiens démolissent enfin le french paradoxe sur le vin

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Voici un article particulièrement intéressant rédigé par Jean-Yves Nau, membre de notre comité scientifique, à propos de la consommation d’alcool.

Alcools : les bienfaits d’une consommation modérée à nouveau contestés. Où est la vérité ?

Un lobby peut-il s’époumoner ? C’est l’image, étrange, que propose aujourd’hui dans son « espace presse »l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). Elle le fait en vantant les mérites d’une étude canadienne de grande ampleur menée par des chercheurs canadiens del’Université de Victoria (Colombie britannique).  Ce travail vient d’être publié sur le site du Journal of Studies on Alcohol and Drugs. On le trouvera ici : “Do “Moderate” Drinkers Have Reduced Mortality Risk? A Systematic Review and Meta-Analysis of Alcohol Consumption and All-Cause Mortality.
Militants et scepticisme
Ces chercheurs, explique l’ANPAA, ont passé en revue l’ensemble des articles parus sur le sujet, et le résultat est assez éclairant sur la différence entre militantisme pro-alcool et rigueur des analyses :
« On voit en effet que le sujet passionne puisque 2 262 études ont été recensées sur le sujet. Les critères de sélection rigoureux des chercheurs permettaient de n’en retenir que 87 qui se dotaient d’une méthodologie permettant de répondre à cette question, soit seulement 4 % des études. Sur ces 87 études, 74 étaient biaisées, car elles mettaient sur le même plan ceux qui ne buvaient jamais ou occasionnellement et ceux qui ne pouvaient plus boire en raison de leur état de santé. Au total, seules 13 études pouvaient être retenues comme se dotant d’une méthode rigoureuse par rapport à l’hypothèse d’un effet bénéfique de l’alcool sur la santé, soit 0,6 % de l’ensemble des études sur le sujet. »
A l’issue de leur travail, les chercheurs recommandent de garder un grand scepticisme (« a skeptical position« ) sur le lien entre une faible consommation d’alcool et les bénéfices sur la santé. Ils font également des propositions de méthodes pour qu’à l’avenir le sujet soit vraiment traité sérieusement.
Mais comment rester skeptical quand tant et de passions, tant et tant d’énergies divergentes, nourrissent le sujet ?
Viatique scientifique
L’affaire a déjà été reprise par Ouest France qui illustre son sujet avec (pourquoi ?) du vin rouge : « Non, ce n’est pas bon de boire un verre chaque jour » :
« Des bizarreries de méthodologie qui ne surprennent pas le Dr Bernard Basset, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). « C’est pour cela que tous leurs résultats sont contestables et sans fondement. La définition de l’échantillon n’est pas respectueuse de la logique scientifique. »
Même sentiment de la part du Dr Alain Rigaud, psychiatre addictologue et président de l’ANPAA. « Cette méta-étude vient démontrer, par une sorte de preuve par neuf, que sur 87 études, 74 étaient biaisées. Seules 13 sont non-critiquables ! Cela prouve qu’il ne faut pas communiquer auprès du public en disant que consommer modérément, c’est une sorte de viatique… »
 « Ces études, affirme le Dr Basset, sont de surcroît « orchestrées par l’industrie de l’alcool, souligne-t-il. Elles ont une apparence scientifique, mais un message de promotion des produits derrière. On en trouve beaucoup sur le vin, en particulier en France, mais aussi sur la bière au Danemark, sur le whisky en Écosse, etc. » 
Vivre sans vin ?
« Les lobbies sèment le doute avec des conclusions partielles », renchérit le Dr Alain Rigaud, qui se souvient bien du vieil argument du « French paradox » apparu dans les années 1980 (« En France, on boit du vin et on vit plus longtemps, donc si l’on vit plus longtemps, c’est que l’on boit du vin »). « C’était assez incroyable. Cela ne prenait pas du tout en compte notre bon système de santé, notre alimentation diversifiée, etc. », remarque le Dr Bernard Basset. 
 « Le vin n’est pas indispensable à la vie, lance de son côté le Dr Bernard Basset. On boit de l’alcool pour la recherche du plaisir, c’est le cas de tous les humains, mais il doit s’accompagner du contrôle de sa consommation. Avoir une consommation régulière, c’est prendre le risque de passer ensuite à une consommation plus fréquente et addictive. Ce n’est pas automatique, mais on doit être prudent, et rappeler que l’alcool n’est pas un produit de consommation courante sans danger. »
En conclusion, assure l’ANPAA, et contrairement à ce qu’affirme le lobby de l’alcool, et récemment encore ses relais parlementaires, rien ne prouve que la consommation modérée d’alcool soit bénéfique à la santé par rapport à l’absence de consommation ou à la consommation occasionnelle. L’affirmer relève au mieux de l’opinion ou, pire, de la désinformation. On osera une question : de quels alcools parle-t-on ?