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Jean-Yves NAU : "Tabac, alcools, drogues : ils nous coûtent 250 milliards d’euros par an. Que font nos gouvernants ?"

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Actualité des addictions

Jean-Yves NAU : "Tabac, alcools, drogues : ils nous coûtent 250 milliards d’euros par an. Que font nos gouvernants ?"

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A échéance régulière une étude fait, en France, le point sur ce que coûte les drogues (licites ou pas) et les addictions qu’elles induisent. Aujourd’hui c’est un travail signé de Pierre Kopp, économiste bien connu dans ce domaine (1). Les chiffres ont été publiés  ce vendredi 11 septembre. On trouvera ce travail ici : « Le coût social des drogues en France » –   Le Monde (François Bégin) en fait sa « Une ». Un travail qui vient redire ce que les spécialistes de la prise en charge des malades de l’alcool, du tabac et des psychotropes interdits clament dans le désert politique. Voir le travail accompli par SOS Addictions.
Alcool+ tabac: 240 milliards
Il s’agit, aujourd’hui, d’une étude financée par la Direction générale de la santé et pilotée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) – étude qui constitue une actualisation de données datant de quinze ans. Résumé :
« Deux types d’éléments sont pris en compte pour calculer le coût social : 
– Le coût externe, constitué des coûts frappant les acteurs du marché des drogues (valeur des vies humaines perdues, perte de qualité de vie) et des coûts affectant les acteurs extérieurs au marché des drogues (pertes de production des entreprises et des administrations)
– Le coût pour les finances publiques, constitué par la différence entre les dépenses de prévention, répression et soins et les recettes des taxes sur l’alcool et le tabac ainsi que les économies de dépenses en lien avec les retraites non versées.

Le « coût social » de l’alcool est égal à 120 milliards d’euros. Celui du tabac est également d’un montant de 120 milliards d’euros. Le coût social en lien avec les drogues illicites  s’établit à 8,8 milliards d’euros.
Le coût externe constitue l’essentiel du coût social pour chaque substance ou groupe de drogues : il en représente 95 % pour l’alcool, 85 % pour le tabac et 68 % pour les drogues illicites.
Le coût des drogues pour les finances publiques représente 1,1 % du PIB. L’Etat doit chaque année payer respectivement pour l’alcool, le tabac et les drogues illicites, 4,9 milliards, 14 milliards et 2,4 milliards d’euros. »

Monstruosité
« Ce rapport doit permettre de prendre conscience du coût important des drogues pour la collectivité et de  hiérarchiser les problèmes afin de mieux éclairer les choix d’engagement de dépenses publiques », souligne Pierre Kopp. Il qualifie de « monstrueux » le coût social du tabac et de l’alcool. « La taxation sur les alcools ne représente que 37 % du coût des soins des maladies engendrées par les boissons alcooliques », explique-t-il. Il dénonce, chiffres à l’appui l’idée selon laquelle ces deux drogues licites rapporteraient au final à l’Etat plus qu’elles ne coûtent. Et il voit chez ceux qui utilisent cet argument un « cynisme de façade basé sur un chiffre faux ».
Hasard ou volonté politique, ces chiffres sont rendus publics à la veille du début de l’examen du projet de loi de Santé au Sénat. Le Monde estime qu’ils  « tombent à point nommé pour la ministre de la santé, Marisol Touraine ». C’est là une opinion discutable. Interrogé sur les mesures qui permettraient de dégager des économies, Pierre Kopp suggère le doublement du prix du tabac, qui permettrait selon lui de « réduire de moitié la consommation ». Or c’est précisément ce que Marisol Touraine n’a pas prévu dans son projet de loi. Tout simplement parce que le gouvernement (le Premier ministre et le ministre de l’Economie) ne le veut pas.
Ainsi, loin d’aider la ministre de la Santé, ces chiffres tombent à point nommé pour dire l’incapacité du gouvernement socialiste (comme ceux de droite qui l’ont précédé) d’imaginer et de mettre en œuvre une politique de prévention et de lutte contre les addictions. Ces pathologies ne sont toujours pas perçues comme des formes esclavages par ceux qui ont en charge la santé et l’autonomie des citoyens.
(1) Pierre Kopp était l’auteur il y a quinze ans d’une première version de cette étude. Professeur à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-I), il est également, précise Le Monde, l’avocat du Comité national contre le tabagisme pour le compte duquel il a déposé en janvier une plainte contre les quatre grands cigarettiers pour « entente illicite sur les prix ». Il y a quelques mois, il a co-écrit pour le think tank socialiste Terra Nova une étude sur les gains qu’apporteraient à l’Etat une libéralisation et une taxation du cannabis dont nous avions rendu compte sur ce blog : « Cannabis : l’Etat va-t-il oser, demain, le commercialiser ? »