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Laurent Karila au Huffington Post : "Oui il existe une addiction au smartphone mais il est possible de décrocher"

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Actualité des addictions

Laurent Karila au Huffington Post : "Oui il existe une addiction au smartphone mais il est possible de décrocher"

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L’empereur Smartphone

Les technologies modernes font partie intégrante de notre vie dans cette SGV (société à grande vitesse). Prenez l’exemple des enfants nés au début ou au milieu des années 2000, ils connaissent les lecteurs mp3 microscopiques pour écouter de la musique, utilisent des clés USB à la mémoire « démentielle » pour tout stocker, manient mieux les écrans digitaux que n’importe quel adulte, facebookent, tweetent, échangent des textos à l’infini, snapchatent, instagrament… avec des smartphones qui font tout. Cependant, il n’y a pas que les enfants…
Début 2015, 336 millions de smartphones ont été vendus dans le monde, soit une hausse de plus de 19 % comparativement à 2014. Le top 5 mondial des ventes est dominé par les marques Samsung (numéro 1 avec plus de 80 millions d’unités), Apple (plus de 60 millions d’unités), et des marques un peu moins populaires pour nos compatriotes français comme Lenovo (près de 19 millions d’unités), Huawei (un peu plus de 18 millions d’unités) et LG Electronics (un peu plus de 15 millions d’unités).
Les 20 applications les plus utilisées dépassent toutes les 4,5 millions d’usagers uniques. Le téléphone mobile sera bientôt le premier média digital.
Un smartphone est un cordon ombilical psychosocial, une e-xtension du i-Soi. C’est aussi un e-doudou à composante tactile. Il a une fonction anxiolytique, hypnotique et est une véritable interface relatio-générationnelle!
Il ne sert pas que de matrice mobile à un téléphone. C’est aussi, et vous le savez bien, un appareil photo, une usine à selfie, à porn food, à tout et n’importe quoi, une caméra video, un support pour des jeux vidéos en ligne ou non (Candy Crush, Criminal Case, Boom Beach, Minecraft…), un support pour des milliers d’applications connectées à Internet, un support pour les réseaux sociaux… Il permet une communication en temps réel, de se rassurer et de tout vérifier à la seconde! Il facilite le maintien d’une proximité symbolique en réponse immédiate à toute sollicitation. Qui n’aime pas ça?
Il existe un over-usage du smartphone devenu un outil plus que populaire de 7 à 77 ans. On le sort dans la queue du supermarché, en réunion quand on s’ennuie, pendant un cours, au feu rouge en voiture (même si c’est interdit maintenant!), en regardant la TV, en parlant avec d’autres. On s’endort avec, on se réveille avec. Il accompagne les insomnies. N’oubliez pas que passer un certain temps sur son smartphone le soir avant de s’endormir altère le sommeil. Il semble que certaines diodes colorées interagissent avec le rythme circadien.
La notion de vibrations et de sonneries fantômes est connue et peut être pathologique pour certains.

Nomophobie et AED (Angoisse d’Etre Déconnecté)

La nomophobie est l’équivalent d’une anxiété de séparation mais avec son mobile! Cette techno-angoisse d’abandon peut être redoubtable chez certains! L’inconfort loin de son smartphone aussi!
Une étude réalisée par le UK Post Office, en 2008, a montré que 53% des utilisateurs de téléphones portables présentaient des symptômes d’anxiété en cas de perte, de mauvaise couverture réseau ou de batterie faible. Une enquête réalisée à Stanford en 2010 a montré que parmi 200 utilisateurs d’IPhone, 75% d’entre eux dormaient avec et que 69% d’entre eux préféraient perdre leur valise que leur smartphone!
Dans une étude, publiée en 2015, par Clayton et ses collaborateurs dans le Journal of Computer-Mediated Communication, les chercheurs ont mis en évidence les effets de l’impossibilité d’utiliser son IPhone, lorsqu’il sonnait, sur soi (l’i-Soi), sur les cognitions, sur l’anxiété, et sur des fonctions physiologiques comme la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la fréquence respiratoire.
La population étudiée réalisait certaines tâches cognitives comme faire 2 puzzles de séries de mots. Lorsque les personnes ne pouvaient pas répondre à leur IPhone, leur fréquence cardiaque et leur pression artérielle augmentaient. Des sensations d’inconfort et une anxiété étaient présentes. Les performances cognitives diminuaient. Ils trouvaient moins de mots durant la deuxième partie de l’épreuve de puzzle.
La nomophobie est également associée à l’angoisse d’être déconnecté (AED ou Fear of Missing out (FoMO) en anglais), de rater des échanges, des tchats, des moments virtuels, des statuts facebook, des tweets qui sont l’occasion d’interagir socialement et rapidement. La nomophobie n’est pas une maladie incurable mais un style vie hyperconnecté qui peut ne pas convenir à tout le monde… et devenir pathologique!

Il existe une authentique addiction au smartphone

De nombreuses équipes de recherche travaillent sur cette question. Cette même enquête réalisée à Stanford en 2010 a montré que 10% des sujets interrogés étaient dépendants à leur smartphone. De plus, 41% d’entre eux pensaient que ce serait une tragédie si ils perdaient leur e-doudou. En France, une étude IFOP en 2013 retrouve que 78 % des sujets âgés de moins de 25 ans reconnaissent être smartphonaholic contre 42 % de la population générale et 57 % seraient incapables de passer une heure sans le consulter.
L’addiction au smartphone est une addiction technologique, comportementale, sans drogue. L’aspect technologique suppose une interaction entre l’homme et une machine. Il s’agit d’un comportement qui se répète, avec une perte de contrôle, une envie irrépressible de consommer du virtuel ou du réel interactionnel, et une poursuite du comportement malgré la connaissance de potentielles conséquences négatives qui seront physiques, psychologiques et sociales.
L’addiction au smartphone n’existe pas dans les classifications des maladies comme le DSM-5 (classification de l’American Pychiatric Association). L’addiction sexuelle, non plus! L’addiction à Internet a été proposée comme potentiel sujet à approfondir, le smartphone étant un outil de transition, l’hypothèse addictive est possible!
Les symptômes de l’addiction au smartphone diffèrent peu de ce que l’on connaît pour l’addiction aux drogues ou à certains comportements comme le sexe ou les jeux d’hasard et d’argent:
• ne penser qu’à son smartphone
• l’utiliser de manière compulsive, excessive
• passer beaucoup de temps à l’utiliser
• avoir des signes de sevrage ou de manque comme ne pas se sentir bien, éloigné de l’appareil ; être irritable, énervé, impatient par exemple
• augmenter les doses de connexions pour retrouver le plaisir des premières fois ou essayer de controller son usage sans y arriver (on parle de phénomène de tolerance)
• l’urgence de se connecter, de répondre, de verifier; l’envie « à crever » de l’utiliser
• l’utilisation excessive du smartphone à visée autothérapeutique : pour éviter de penser à des choses désagréables, problématiques
Il existe une composante dénommée « cyber-relations » avec les smartphone où les sujets pensent que leurs relations virtuelles sont plus fortes que des relations dans la vraie vie, qu’il y a plus d’intimité dans le virtuel et qu’ils ne peuvent plus se passer de ce genre de relations.
L’usage addictif du smartphone a aussi de nombreuses conséquences. Le smartphonaholic continue à s’en servir malgré la connaissance de ces conséquences négatives.
Sur le plan physique, sont décrits des troubles de la vision (petites taches lumineuses flottantes par exemple), des douleurs aux poignets dues au fait de taper sans arrêt sur le téléphone ou de le tenir dans une certaine position, des douleurs au cou en raison de la position adoptée pour lire, écrire, échanger sur son smartphone.
Sur le plan psychique, l’anxiété, les signes dépressifs, les troubles du sommeil sont monnaie courante également. Il existe des troubles de la concentration qui ont un impact sur la vie quotidienne en termes de performances scolaires, au travail.
Sur le plan social, de nombreuses choses fondamentales de la vie quotidienne sont altérées comme: passer du temps en famille ou avec sa moitié, profiter du temps de vacances en famille sans être scotché à son smartphone comme un addict en manque, comme décrocher lorsque l’on rentre tard du travail, se coucher avec sa femme, son mari, son copain, sa copine… Il existe aussi un risque non négligeable d’accident de la route ou de la voie publique.

Ne diabolisons pas le Smartphone

Quelques pistes pour décrocher… Faites-les progressivement, à votre rythme. Notez ce que vous faites quotidiennement sur un carnet de bord… en papier! Jour après jour, vous progresserez.
• Quand le smartphone sonne, bipe, vibre, vous n’êtes pas obligé de répondre à la seconde!
• Coupez, par moment, les alarmes et les flashs qui annoncent les messages ou les notifications
• Fixez-vous certaines règles comme ne pas utiliser votre smartphone lorsque vous êtes dans certaines situations : seul(e) avec vos enfants, en réunion, en conférence, en cours, lorsque vous conduisez, au cinéma… Vous allez retrouver un plaisir différent en vous reconnectant!
• Pendant les vacances, fixez-vous des heures où vous ne prenez pas avec vous votre Smartphone et des heures où vous le consulterez
• Evitez les apéro-Smartphones (boire un verre seul avec son Smartphone) au détriment de moments conviviaux avec les ami(e)s ou les proches pendant les vacances
• Vous pouvez envisager d’aller en vacances dans un désert ou un No Man’s Land numérique
• Evitez le smartphone, comme objet ornant la table, pendant les repas en famille, entre amis
• N’allez pas systématiquement tout vérifier sur votre Smartphone lorsque vous discutez avec quelqu’un!
• Coupez votre Smartphone lorsque vous vous couchez
• Mettez votre Smartphone à distance de vous lorsque vous vous couches (ou laissez le à l’extérieur de la chambre)
• Evitez de passer beaucoup de temps sur votre Smartphone avant de vous endormir (surtout dans le noir)
• Si vous avez une insomnie, ne vous précipitez pas sur votre Smartphone comme un doudou
• Si vous vous ennuyez, sentez angoissé(e), déprimé(e), seul(e), ne pensez pas que votre Smartphone est votre seul remède
• Evitez la nounou-Smartphone: ne donnez pas systématiquement votre Smartphone à vos enfants lors de diners ou de sorties « pour être tranquille »
Sénèque, philosophe de l’école Stoïcienne, louait les mérites de l’otium, un temps de repos consacré aux loisirs studieux, à la lecture et à la méditation, en le considérant comme une caractéristique de l’homme libre. Il fallait quand même le consacrer à un rôle social dans la Cité. Adaptez l’otium à ce qui vosu fait plaisir.
La digital detox ou le sevrage total en smartphone n’est pas utile pour les accros aux Smartphones. Il faut se fixer des temps, des moments, des règles avec et sans son e-doudou. Si vous ne pouvez absolument pas décrocher, allez voir un spécialiste de la question des addictions comportementales.

Testez-vous … Le questionnaire Smartphonaholic

Il s’agit du Smartphone Abuse Test (Center For Internet and Technology Addiction) que j’ai adapté en langue française. Ce questionnaire pourrait faire l’objet d’une étude de validation prochainement.
Il faut répondre par Oui ou par Non
Plus de 5 réponses positives suggèrent un comportement addictif à votre Smartphone.
• Trouvez-vous que vous passez plus de temps, que ce que vous pensiez, sur votre Smartphone?
• Trouvez-vous que vous passez régulièrement du temps, sans réfléchir, sur votre Smartphone alors qu’il pourrait y avoir d’autres choses meilleures ou plus importantes à faire?
• Trouvez-vous que vous perdez la notion du temps lorsque vous êtes sur votre Smartphone?
• Trouvez-vous que vous passez plus de temps à envoyer des SMS, des MMS, des tweets, des e-mails, des messages sur Facebook … qu’à parler aux gens en temps réel?
• Est-ce que le temps passé sur votre Smartphone a augmenté de plus en plus?
• Souhaiteriez-vous, même secrètement, être moins connecté à votre Smartphone?
• Dormez-vous régulièrement avec votre Smartphone allumé sous ou à côté de votre oreiller ou à côté de votre lit?
• Est-ce que vous regardez et répondez aux SMS, aux tweets, aux messages Facebook et aux e-mails à toute heure du jour et de la nuit, même si cela signifie « interrompre d’autres choses que vous faites »?
• Est-ce que vous textez, facebookez, snapchattez, instagramez, répondez à vos mails ou allez sur internet lorsque vous conduisez votre voiture, votre scooter, ou lorsque vous faites d’autres activités qui nécessitent une attention ciblée et de la concentration ?
• Pensez-vous que l’usage de votre Smartphone diminue réellement votre productivité?
• Vous sentez-vous « pas bien » sans votre Smartphone, même pour un court laps de temps?
• Vous sentez-vous mal à l’aise lorsque vous oubliez votre Smartphone dans votre voiture, à votre travail ou à la maison, ou si vous n’avez pas de réseau, ou si il est cassé ou ne fonctionne pas bien?
• Lorsque vous petit-déjeunez, déjeunez ou dinez, est-ce que votre Smartphone fait toujours partie du décor de la table?
• Lorsque votre téléphone sonne, bipe, vibre : vous sentez-vous une envie irrésistible de vérifier les textes, les tweets, les emails, les messages sur autres réseaux sociaux, les mises à jour …?
• Vous retrouvez-vous à vérifier automatiquement votre Smartphone plusieurs fois par jour, même lorsque vous savez qu’il n’y a rien de nouveau ou d’important à voir?
 
Laurent Karila est l’auteur du livre Accro!, co-écrit avec Annabel Benhaiem, journaliste au Huffington Post.
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