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Sophie et le protoxyde d'azote : "Jusqu’ici tout va bien… "

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Sophie et le protoxyde d'azote : "Jusqu’ici tout va bien… "

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Photo de Loys Boivin
Inspirer du protoxyde d’azote, drogue en vogue.. Inspiration dictée par la jeunesse… Addiction pour Sophie, 20 ans, une jeune parisienne, étudiante en prépa artistique. Elle vit au cœur du Marais, chez ses parents et entourée de ses 2 sœurs. Un cocon familial, le confort du nid parental, la jeunesse dorée. Pour résumer : les clichés vendus par notre clip de prévention « Mon addiction ». Et pourtant il s’agit bien d’une histoire vraie. D’une Cendrillon qui s’isolait tous les après-midi perchée sur sa mezzanine pour un shoot hilarant. Et où se fournissait-elle ? Elle allait chercher ses bonbonnes  en cachette au labo de ses parents. Elle a ri, elle a pleuré. Elle a ouvert les yeux. Voici son histoire…
Ce témoignage est très franc, très cru, direct… Sophie parle sans retenue et sans honte de ce qu’elle a fait, un vécu qu’on peut encore conjuguer au présent car en fait, elle n’en est pas tout à fait sortie. Sophie a accepté de se regarder dans la glace. Avec ses mots elle décrit son quotidien. Le mea culpa est léger mais il est là quand même. Et tout ce qu’on espère c’est que ce témoignage puisse ouvrir les yeux à des jeunes qui borderline, sauraient alors comment ne pas perdre l’équilibre…   
 

SOS Addictions : Sophie, comment vous est venue l’envie de témoigner ?

C’est après avoir lu un article sur le protoxyde d’azote sur internet que j’ai pris contact avec SOS Addiction. Cet article traitait cette drogue comme une « nouvelle drogue à la mode » que les jeunes utilisaient de plus en plus en soirées pour se défoncer. Il parlait bien sur des effets néfastes, et autre, histoire de prévenir j’imagine.  Au fond, je n’appris rien que je ne savais déjà sur le proto. Mais une chose m’a interpellée. Un docteur avait écrit dans l’article qu’aucune molécule dans cette drogue ne pouvait rendre une personne accro à cette dernière. Ah bon, d’accord. Dans ce cas-là pourquoi ? Pourquoi je dépendais tellement de cette drogue ? Peut-être que je dépendais seulement de mes hallucinations, et non pas de la drogue en elle-même. Mais pourquoi avais je l’impression d’être la seule à voir ce genre de choses, à « partir » aussi loin ?

Témoigner

J’ai vue en ce témoignage une chance de raconter mon histoire. Parce que tout cela me pèse énormément, le fait de ne pouvoir en parler à personne par peur de me choper l’étiquette de « droguée » ou « d’ado pommée » trop vite. Cette drogue n’est pas un simple « gaz hilarant », mais une drogue hallucinogène qui attaque vos neurones. Mais vu que le secret de la partie « hallucinogène » n’a pas vraiment été mis à jour, la toile n’en parle que très peu (voir pas du tout). Alors peut être que c’est à moi de le faire. Histoire que les personnes qui liront ce gros pavé comprennent que cette drogue provoque une réelle et très dangereuse addiction.

Le Protoxyde d’Azote : Quezako ?

Le protoxyde d’azote, aussi appelé sous divers noms comme gaz hilarant, est un gaz contenant une forte quantité de N02 (produit nocif pour la santé), et qui se retrouve sous forme de bonbonnes. Ces dernières sont utilisées dans des milieux comme la médecine (anesthésiant), ou encore dans des appareils à usage domestique.
Il existe (d’après moi) deux façons courantes d’en consommer.
La première est d’utiliser les petites cartouches remplies de gaz (que l’on se procure facilement dans le commerce) et que certains jeunes utilisent pour remplir leurs « ballons » afin d’ingérer la drogue, en inspirant le gaz contenu dans ce dernier.
La deuxième méthode consiste à aller dans une droguerie quelque conque et d’y trouver des bonbonnes (variant de 50 à 100 ml) à gaz dépoussiérant pour ordinateurs ou appareils électroniques. Il est d’ailleurs bien marqué sur la notice de la bonbonne que ce gaz n’est pas à respirer, et qu’il contient du NO2. Après c’est assez simple, si on n’est pas trop fan de la méthode « ballon », on peut ingérer la drogue en inspirant le gaz directement depuis la bonbonne.
Alors, j’ai découvert le « proto » quand j’étais en seconde. C’était la fameuse époque du « je-veux-tout-tester-avec-mes-potes ». Je devais avoir 16 ou 17 ans. Et ça fait donc maintenant 3 ans.
Pour la fréquence c’est un peu plus complexe. Il y’ a 3 ans, on « découvrait » la drogue pour rire, et faire comme les autres. Puis entre nous, c’est le principe même du « gaz hilarant ».  Mais j’ai vite compris qu’à part déformer la voix, et donc provoquer un énorme fou rire, ce gaz était aussi hallucinogène. C’est surement à cause de cet aspect-là que j’en suis réellement devenue accro. Donc j’ai commencé à en prendre seule, et plus régulièrement. Parfois, je pouvais me descendre deux bonbonnes en une nuit. Mais seulement une fois dans la semaine. Puis je recommençais la semaine d’après. Parfois, je faisais des pauses d’un mois, pour ne pas réellement me rendre dépendante.
Pour le prix, je dois admettre que mon cas est assez à part. Je n’ai jamais réellement eu le besoin d’en acheter. Mes parents tiennent un laboratoire d’audioprothèse sur Paris, et le gaz qu’ils utilisent pour nettoyer les embouts des appareils auditifs n’est rien d’autre que du protoxyde d’azote, sous forme de grosse bonbonne de 150 ml. « Le rêve », c’est ce que je me suis dit quand j’ai commencé ma consommation régulière. Je leur en ai toujours pris en cachette, et je me débrouillais pour ne pas en prendre trop d’un coup dans les réserves et éveiller les soupçons.
Quand les réserves du laboratoire étaient vides, j’allais à la Fnac, ou dans des grands centres commerciaux avec des drogueries pour m’acheter du dépoussiérant pour ordinateurs. Elles coutaient entre 9 et 10 euros la bonbonne.

Parlons de vos sensations. Que vous procure un « shoot » au proto ? N’hésitez pas à tout dire de vos délires, de vos pensées… Combien dure l’effet d’un shoot ? Qu’est-ce qui vous incite à recommencer ? Un besoin physique ? Un mal être ?

Pour les sensations que me procure un « shoot » au proto, il faut déjà prendre en compte le fait que j’en ai pris régulièrement pendant 3 ans, donc que les sensations du  tout début sont vraiment très différentes de celles que j’ai maintenant.
Une fois le proto « ingéré », et une fois que la drogue est montée au cerveau, les premiers symptômes se font sentir dès les premières secondes, et ces symptômes sont en quelques sorte les symptômes de base qui seront décrits sur tous les forums, ou sites internet : Impression d’être très fortement désorientée, comme de quitter un peu son corps, perception de l’environnement qui change légèrement (vision floutée), ou distorsion du son (impression d’entendre tout très bien, comme si l’on pouvait capter la discussion de nos voisins dans la maison d’à côté).
Même si je ne m’en souviens pas très bien, se sont certainement les premiers effets que j’ai ressentis lors de mes premières prises de proto. Et contrairement à tous mes amis qui s’étouffaient de rire avec ce « gaz hilarant » qui déformait leurs voix, je me souviens m’être dit qu’être défoncée ça avait l’air plutôt cool.
C’est d’ailleurs cette pensée dangereuse qui m’a fait continuer. J’ai donc commencé à en prendre seule, dans mon lit. Et c’est là que j’ai réalisé que cette drogue était fortement hallucinogène. Je ne comprenais pas du tout ce que je voyais sous proto, c’était un peu comme si vous vous réveilliez le matin, et que vous tentiez de vous souvenir de votre rêve. Il n’y a que des brides de souvenirs, qui une fois collés ensemble forment une histoire sacrément absurde. Et bien avec le proto c’était pareil, je rêvais éveillée.
J’avais l’impression que mes hallucinations n’avaient aucun sens. Mais pourtant, plus je prenais du proto, plus ses hallucinations devenaient réelles et nettes.
Je ne parlais jamais, et je ne bougeais que très peu. J’étais persuadée que si un mot sortait de ma bouche, ou que si je me déplaçais, je romprais le charme, et l’hallucination cesserait. A cette époque, j’en prenais avec mon meilleur ami dans mon lit, et nous nous filmions avec mon ordinateur portable. Ce qui est très étrange c’est que mon ami avait beau se descendre la même quantité que  moi de protoxyde d’azote, il n’a jamais atteint le stade des « hallucinations ». Alors dans les vidéos, on me voit regarder fixement un point fixe dans le vague, la bouche entre ouverte, sans bouger ni cligné des yeux pendant 3 minutes, alors que lui me fait des signes avec sa main pour tenter de me sortir de ma « transe ».
Les hallucinations que j’avais n’étaient pas seulement visuelles, mais aussi physiques. Une fois, j’ai eu l’impression que la température dans ma chambre montait vite. Beaucoup trop vite. Puis d’un coup un énorme soleil est apparu devant moi, comme si je m’étais retrouvée au Sahara. Et la chaleur continuait de monter. Ça a commencé à me faire peur, et j’ai crié un énorme « STOP » d’un coup, sans prévenir. Puis le soleil et tout le décor autour s’est brisé en morceaux, et j’étais de nouveau dans ma chambre, avec une température normale.  C’était hallucinant, et c’était génial à la fois. Je pouvais décider de quitter mes hallucinations, en criant « stop » ? J’avais l’impression d’être dans Inception. J’étais comme une apprentie sorcière qui venait de découvrir la magie et qui ne désirait qu’une seule chose : pratiquer.
Ça devait faire un an que je prenais du proto. Je cherchais toujours  à comprendre comment ses hallucinations pouvaient être aussi réelles, aussi claires. J’ai lue des tonnes d’articles sur la conscience, la drogue, le rêve, mais je n’y comprenais rien. J’ai compris bien après que ce n’était qu’une simple excuse, et que si je prenais du proto, c’était simplement pour pouvoir m’échapper dans ce monde que j’avais créé petit à petit.
Mes hallucinations prenaient de plus en plus de sens, car je rencontrais des personnages récurrents.  Si vous voulez des exemples, je suis devenue amie avec Alice aux Pays des merveilles (qui a toujours été mon héroïne depuis mon enfance). Elle était très timide, et fabriquait des tonnes d’automates dans sa chambre. Elle n’arrêtait pas de me dire que ce n’était pas elle la vrai Alice, mais je ne voulais pas la croire. Il y avait un passage pour aller au Pays des Merveilles depuis mon armoire, et un jour elle voulue y aller sans me prévenir. Elle est morte là-bas car en effet, ce n’était pas la vraie Alice. J’ai pu la faire revenir parmi nous à une condition : qu’elle oublie tout de moi, et de ce qu’on a vécue toutes les deux.
Voilà, je vivais des aventures. Des aventures sacrément extraordinaires, qui me faisaient oublier la réalité de notre monde. Et je ne dis pas que ça finissait toujours bien.
Avant de prendre du proto je répétais toujours cette phrase « conscience, je t’invoque », c’était un moyen pour moi de garder un lien avec le monde réel, pour ne pas me mettre trop en danger. Car oui, je dors dans une mezzanine, et cela m’est déjà arrivé de dégringoler les marches en pleine hallucination.
J’ai aussi vue une tonne de choses très flippante. Il faut savoir que la drogue et mes pensées ne constituaient plus qu’un pendant mes shoots. Elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. J’ai dû affronter mes pires peurs. Le tueur en série du film « Halloween la Nuit des Masques », et une armée de cloportes (je n’aime pas beaucoup les insectes).
Il ne fallait surtout pas que je leur montre que j’avais peur, sinon j’étais bonne pour me taper un psychopathe au couteau et une armée d’insecte toute une après-midi. (C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé …)
Mais je ne voyais pas toutes ces choses flippantes pour rien, je savais que c’était un message de ma conscience pour me dire d’arrêter, d’arrêter cette drogue, car même si j’avais des supers pouvoirs, même si je pouvais voler à dos d’Aigle, ou encore faire 3 vœux au génie de la Lampe (dont l’un gaspillé pour que Halloween me fiche la paix), c’était dangereux.
Un shoot (soit une ou deux grandes inspirations sur la bonbonne) représente pour moi 2 à 3 minutes d’hallucinations. Cela explique pourquoi je me descendais des énormes bonbonnes entières l’après-midi, ou pendant la nuit. Ainsi, mes trips variaient entre 3 et 4h.
Ce qui m’incitait à recommencer ? Tout ce que je voyais. C’est comme ouvrir un livre, le commencer, puis le jeter au feu une fois arriver au milieu. Je voulais toujours la suite, car je m’amusais énormément. C’était mon échappatoire. Quand rien ne va à l’école, ni dans la famille, quoi de mieux que de se retrouver sur un bateau pirate, avec comme capitaine une femme géniale adulée par tout son équipage ? Je vivais ses aventures. Ce que je voyais n’était plus de simples rêves que j’essayais de coller ensemble, mais de véritables aventures. Et ce monde fantastique m’était devenu indispensable.

Votre mezzanine, le risque de vous blesser, d’autres risques peut être… Qu’est-ce qui vous a maintenue dans la réalité ? Quand avez-vous pris conscience de votre dérive ? Qu’est-ce qui vous a incitée à redresser la barre ?

Même si aux premiers abords, et d’après mes dires, cette drogue hallucinogène pourrait paraitre drôlement excitante, il ne faut pas oublier que le proto est répertorié comme « drogue » pour certaines raisons.
Déjà, cette drogue attaque directement le cerveau. Ce qui rend évidemment notre esprit, et notre corps vraiment vulnérable. Je suis en effet tombée de ma mezzanine en pleine hallucination. Je ne me souviens plus vraiment de ce que j’ai vu à ce moment-là, je me souviens m’être dit « Aïe » un moment, mais à ce moment précis, je ne réalisais pas que je dégringolais les marches de ma mezzanine. Puis quand j’ai repris conscience, j’étais allongée par terre, et la douleur est apparue, aussi surprenante que réelle. Mon ami était dans mon lit à ce moment-là (aussi sous proto), et c’est lui qui m’a raconté que je me suis mise à quatre pattes sur le matelas et que j’ai eu la super idée de descendre de la mezzanine la tête la première. Mes hématomes dans le dos sont restés un mois entier.
Cette drogue est dangereuse. Je me souviens aussi d’une après-midi chez une amie, j’étais debout dans sa chambre, devant la fenêtre, et elle assise à son bureau. J’ai pris deux grandes inspirations de proto, puis l’hallucination a commencé. A mes pieds, Paris. Je volais au-dessus de la ville. Au-dessus de ma tête, une hélice. Je volais surement grâce à cette hélice. Puis j’ai vu la fenêtre, et je me souviens avoir entendu une voix qui me disait d’avancer, et que je n’avais rien à craindre. C’est mon amie qui m’a vue avancer vers la fenêtre sans parler, qui m’a attrapé par le bras et assise sur son lit.
Je me souviendrai très certainement de cette après-midi, car au fond, oui, peut être que j’aurai sauté si Marine ne m’avait retenue, et mon hélice imaginaire n’aurait surement servie à rien.
Encore une fois, cette drogue est dangereuse, et je l’ai vite réalisé à mes dépends lors d’hallucinations de ce genre.
À cette époque, j’étais amoureuse d’un garçon de ma classe qui s’appelait Matthias. Je suis restée amoureuse de lui pendant mes trois ans de lycée, de la seconde à la Terminale, même si cependant mes sentiments n’ont jamais été réciproques. Je me servais aussi de cette excuse pour la drogue, pour arrêter de penser à lui tout le temps.
Ce que voyais sous proto était sacrément éphémère, après tout une hallucination ne dure que deux minutes. Comme je l’ai déjà dit, ma conscience me disait toujours d’arrêter, ou me le faisait comprendre à sa façon, comme par exemple en me mettant dans des situations périlleuses, ou en me faisant peur en me montrant des choses désagréables. Elle disait que ça ne servait à rien. Que le visage de Matthias n’apparaitrait pas, que je ne me transformerai pas en oiseau, et que je n’aurai pas non plus de pouvoirs magiques. Pourtant, je voulais croire que dans ce monde que j’avais créé, tout était possible, alors je réessayais encore et encore. A force, j’ai réussie à apprivoiser la drogue, mon esprit n’était plus aussi vulnérable qu’au début, et je savais que j’étais assez consciente pour ne plus tomber de mon lit. Je voyais ce que je désirais voir, et c’était magique. Puis quelques minutes plus tard, je me rendais compte que Matthias était parti avec une autre fille, que je n’étais toujours pas un oiseau, et que je n’avais jamais eu de pouvoirs magiques. Oui, sacrément éphémères … Je me suis trouvée vraiment lâche. Et je me suis dit que la lâcheté était le plus gros problème de tous ces gens qui tombent dans l’addiction, et qui parfois, se voilent la face. Je prenais du proto pour échapper à la réalité, mais la réalité me rattrapait toujours. Je m’amusais dans un monde parallèle mais la « descente » était encore plus douloureuse que les coups de couteau d’Halloween. Je me bousillais la santé car j’étais lâche. Lâche d’affronter mes problèmes.
Et même si je suis parfaitement honnête en disant que j’ai  adoré tout ce que j’ai vue, tout ce que j’ai vécue, cette drogue n’a jamais réglé aucun de mes soucis, et m’en a créer bien des nouveaux.

Et là vous avez senti que vous touchiez le fond, que ce qui comptait le plus pour vous vous échappait…

 … En effet j’ai décidé d’arrêter, il y’a environ six mois quand je me suis mise en couple. Mon petit ami m’a clairement dit que si j’y retouchais, ça n’allait pas aller du tout. Il me l’a fait promettre.
Il faut savoir que des promesses du style « Oui oui, j’arrête », en trois ans, il y en a eu beaucoup. Je me suis faite choper plus d’une fois par mes parents ou par ma grande sœur, complètement défoncée dans mon lit. Et ce genre de situations, je vous le jure, c’est celle que vous désirerez le moins dans toute votre vie. Pourtant j’arrêtais un mois, et je recommençais, car ça me manquais trop.
Mais depuis janvier c’est différent. Peut-être parce que je sais que même si mes parents me prennent sur le fait et m’engueulent très fortement, ils seront toujours là. Car ce sont mes parents, et qu’ils me connaissent assez bien pour savoir que je n’en suis pas à ma première connerie. Mais quand mon petit copain m’a sortie « C’est simple, si tu en reprends, et que je l’apprends, tu auras trahie ma confiance et ce sera fini », là j’ai flippé. C’est souvent quand on réalise qu’on a quelque chose à perde qu’on commence à peser le pour et le contre, et c’est ce que j’ai fait.
Je n’ai pas vraiment l’impression de me « battre ». Tous les jours, je suis tentée de recommencer. Tous les soirs, je m’assis en tailleur dans ma mezzanine, position que je prenais lors de mes trips, et je me force à me souvenir de tout, et de tout le monde. Je refuse de les oublier. Et ça me rends triste. Parce que je sais que je ne peux pas recommencer, parce que je sais qu’en reprenant une bombonne un soir, j’en reprendrai une la semaine prochaine et ainsi de suite. Sacré cercle vicieux …
Non, je ne me bats par pour moi, mais pour ceux qui m’ont répété pendant trois ans qu’il fallait que j’arrête. Je me bats car j’aime mon petit ami, et je me bats car j’ai peur. Simplement peur de devoir tout refaire, ou de tout perdre.
Aujourd’hui si une amie me demandait « Donc Sophie, le proto c’est fini à vie ? », je l’a regarderai en souriant et lui sortirai le plus faux « bien sur » de toute ma vie. Car je n’en sais rien. Une partie en moi refusera toujours d’admettre que c’est fini, parce que cette partie ne veut pas que ça se finisse.
Au fond, c’est comme la clope, ou comme toute autre drogue : « faut jamais commencer ».
Vous voyez, peut être que ce que j’ai vécue va paraitre comme super cool aux yeux de certaines personnes, mais ces personnes n’imagineront pas à quel point je pleure comme une gosse quand je repense à tout ça. Oui, je suis enchainée à des promesses alors que ma seule envie, là, maintenant, est de me descendre une bombonne. Voilà pourquoi je pleure, je me suis moi-même collée l’étiquette de droguée sur le front.
Et maintenant ?
Et maintenant j’écoute Blood Bank de Bon Iver en boucle dans mon lit, en pensant certainement trouver de l’inspiration afin de répondre à cette question. Je dois avouer que j’ai du mal. C’est une question qui me fait plutôt peur, car si je devais regarder en arrière, et porter un jugement sur mes actes, je dirais que j’ai tout foiré de A à Z. Que je me suis laissée entraîner dans cette spirale infernale qu’est l’addiction. Et si je devais regarder en avant, autant vous dire que là je ne vois pas grand-chose. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas arrêté le proto pour ma personne, ni parce que j’ai subitement pris la décision de « me prendre en main », mais seulement pour faire plaisir à ceux qui me sont chers. Alors maintenant, rien n’a vraiment changé. Ni mon ressentiment pour cette drogue, ni mes regrets, ni mes envies subites de me shooter avant de dormir. « Vivre au jour le jour » quand on vit dans l’angoisse de retomber dans cette fameuse spirale ce n’est pas facile.
Pour autant, ce n’est pas vraiment comme si j’avais envie que ça change … Si personne ne se bat à ma place et si je ne me bats que pour les autres, je préfère me dire que les choses sont bien comme elles sont, là maintenant. Et que j’aimerai qu’elles le restent.
Qu’espérez-vous d’une association comme SOS Addictions, étant donné votre expérience personnelle, vis-à-vis des jeunes et des addictions précoces ?
Ce que j’espère d’une association de la sorte ? De la prévention je suppose … « Jeunes » et « addictions précoces » sont de termes presque indissociables. Beaucoup d’ados ou de personnes qui se droguent tout simplement diront qu’ils n’ont pas besoin d’aide, qu’ils se sentent bien dans leur routine et qu’ils connaissent parfaitement les dangers et les conséquences que cette routine leur impose. Mais selon moi, beaucoup de ces gens-là mentent, et crèveraient pour qu’on les écoute sans les juger. Je ne veux pas faire d’amalgame et je ne dis pas que cela concerne tout le monde, comme toutes les addictions. Mais c’est un fait parmi tant d’autre. Je fais partie de cette catégorie-là, celle de ceux qui se droguent pour fuir, et se cache derrière leur petit train-train quotidien en se répétant que « jusqu’ici tout va bien ».  Il faudrait que vous (SOS addiction) brisiez ce train-train, car c’est ça qui poussent les jeunes accros à se renfermez. Il faudrait que vous provoquiez la chute, voilà ce que j’espère. Leur parler, pour que eux décident d’ouvrir les vannes, comme moi je l’ai fait avec le proto en vous décrivant ce que j’avais vécue pendant ses 3 dernières années. La parole et le dialogue sont pour moi les deux plus grandes armes que vous ayez contre l’addiction. Ouais, elles sont même ultra puissantes.
Témoigner vous a été utile ?
Je voulais vous remercier pour le temps que vous avez pris avec mon témoignage, sincèrement, car malgré le Post Criptum de mon dernier message (ndlr : Sophie venait de nous avouer que durant l’interview, elle n’avait pas totalement arrêté les prises de protoxyde), sachez que cela m’a fait énormément réfléchir (dans le bon sens). Écrire m’a souvent aidé à me remettre en question, et avec le proto vous êtes la première personne à m’avoir posé les bonnes questions. Le genre de questions qui vous fait réellement réfléchir. Alors au fond, certes j’en ai repris, mais je voulais aussi vous dire que je n’allais pas rechuter comme l’année dernière ou encore avant, et que je sais maintenant comment et pourquoi je peux m’en passer plus de 4 mois d’affilée. Oui, même si j’en ai repris, je sais que cette semaine je n’irai pas au labo de mes parents en cachette chercher des bonbonnes. Ce témoignage ma aider à enlever cette étiquette sur mon front et pour tout cela, je vous remercie beaucoup.

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