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Nouvelles drogues de synthèse : un marché rayonnant de santé nous annonce l’OFDT

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Journalisme et Santé Publique

Nouvelles drogues de synthèse : un marché rayonnant de santé nous annonce l’OFDT

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L’OFDT est une mine pour qui entend saisir le malaise de notre société. Le temps n’est plus où le pestiféré Jean Cau osait  L’ivresse des intellectuels – Pastis, Whisky et Marxisme (Editions Plon, 1992). Le Marxisme s’est dissous dans les eaux mêlées du pastis mondialisé par la maison Ricard. Quant aux whiskies et autres whiskeys tourbés, ils font pâles figures devant les nouveaux produits de synthèse, ces NPS que le pragmatique britannique baptise  New Psychoactive Substances. On pourra préférer  Research chemicals ,  Designer drugsLegal highs. Les publicistes n’ont pas, là non plus, de limites.
Illicite imité
L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a pour mission d’observer. Et il le fait à merveille. Il fait œuvre de pédagogie aussi. Comme aujourd’hui  sur les NPS (voir ici) :
« L’abréviation NPS désigne un éventail très hétérogène de substances qui imitent les effets de différents produits illicites (ecstasy, amphétamines, cocaïne, cannabis, etc.). Leurs structures moléculaires s’en rapprochent, sans être tout à fait identiques. Cette spécificité leur permet, au moins à court terme, de contourner la législation sur les stupéfiants ; certains sont classés, d’autres n’ont pas de statut juridique clair. Généralement achetés sur Internet, les NPS sont connus soit par leurs noms chimiques, soit à travers des noms commerciaux.
Pseudo-cannabis
(…)  Les présentations commerciales des NPS posent le problème de la connaissance du consommateur sur la véritable nature des contenus. Elles entretiennent un doute sur le caractère synthétique des produits (présentation sous forme d’herbe), ou utilisent des formes qui suggèrent que les compositions et les dosages sont préalablement contrôlés (…)
Les cannabinoïdes synthétiques ne contiennent pas de cannabis, mais produisent des effets similaires lorsqu’ils sont fumés. Ce sont des agonistes des récepteurs au THC, c’est-à-dire qu’ils se lient aux mêmes récepteurs que ce dernier. Les cannabinoïdes synthétiques ont été développés au cours des quarante  dernières années dans le domaine de la recherche médicale, essentiellement en vue du traitement de la douleur.
Formidable affinité
On en dénombre actuellement 130 en Europe parmi lesquels 34 ont été répertoriés sur le sol français (…). Ils sont généralement vendus sur Internet et dans les « head shops » de certains pays de l’Union européenne. Ces agonistes des récepteurs au THC possèdent une affinité généralement supérieure à celle du THC lui-même, entrainant parfois des effets plus puissants. Elle peut être deux fois supérieure (pour le CP 47,497, le C6), 4 fois supérieure (pour le JWH-018) voire 200 fois supérieure (pour le HU-210).
(…) La méthoxétamine, une substance qui se distingue En 2011 et 2012, la méthoxétamine (MXE) émerge par l’intérêt croissant qu’elle suscite chez les internautes. Elle est aujourd’hui visible dans l’espace festif sur l’ensemble des sites TREND. Ses effets s’apparentent à ceux de la kétamine sous le nom de laquelle elle est fréquemment vendue. Les effets de la MXE étant plus puissants et plus durables que ceux de la kétamine, cette substitution est à l’origine de fréquentes complications (malaises, troubles psychiques ou psychiatriques…). Malgré son classement en France en août 2013 puis en Europe en septembre 2014, l’intérêt pour cette substance ainsi que sa disponibilité semble perdurer. »
Après les épices et la soie
Toujours selon l’OFDT la plupart des NPS identifiés jusqu’à aujourd’hui en Europe ont été principalement produits puis importés de Chine et, dans une moindre mesure, d’Inde. Après les épices et la soie, les nouvelles routes des médicaments en quelque sorte. La Pologne et les Pays-Bas tentent des productions indigènes.
En France entre 2007 et 2012  on recense 60 « nouvelles substances ayant circulé au moins une fois ». « Signe d’un certain engouement, depuis 2010, en moyenne une nouvelle substance est identifiée par mois. En Europe, on dénombre environ 350 nouveaux produits de synthèse depuis 1997, dont près des deux tiers sont apparus depuis 2008. »
 Langues européennes
Selon l’Observatoire européen, le nombre de sites de vente en ligne en langues européennes proposant une livraison au sein de l’UE n’a cessé de croître de 2010 à janvier 2012, passant de 170 à 693. Le nombre de sites de vente en langue française a également augmenté. Il n’existe pas (a priori) de « points de vente physiques » en France. Le marché des NPS serait dominé par des entrepreneurs opportunistes, qui ne relèveraient pas totalement des filières de la criminalité organisée.
De 8 à 20 euros
« Sur Internet, les NPS sont souvent proposés à des prix variant de 8 à 20 euros le gramme, selon les sites de vente, précise l’OFDT.  En 2011, les prix des NPS à la revente, c’est-à-dire les prix « de rue », sont en moyenne trois fois plus élevés que ceux en ligne. Pour une quantité achetée d’un gramme, la somme dépensée par les usagers passe de 10 euros pour un achat direct sur un site de vente en ligne à 30 euros pour un achat auprès d’un revendeur. Les prix moyens des NPS sont donc très compétitifs par rapport à ceux des substances illicites qu’ils imitent. (…) le large écho accordé par les médias (écrits, audiovisuels et Internet) suite à l’interdiction de la méphédrone en avril 2010 a participé à alimenter un intérêt croissant pour ces produits de la part de sous-groupes de consommateurs bien spécifiques. Delon l’Observatoire il s’agit :

  • des usagers proches de l’espace festif gay, traditionnellement consommateurs de substances psychoactives, en particulier en contexte sexuel. Familiers d’Internet, ils se procurent également ces produits lors de voyages dans différentes capitales étrangères. Les observations ethnographiques réalisées dans les milieux du clubbing homosexuel parisien, au cours du deuxième semestre 2009 font ainsi état de l’émergence de la méphédrone. C’est dans ce groupe que sont observées les pratiques dites de « slam » (injection intraveineuse de substances dans un contexte sexuel « hard ») ;
  • des « connaisseurs », c’est-à-dire des usagers qui se perçoivent comme des pionniers en matière d’expérimentation de drogues. Leur démarche consiste à développer des stratégies de consommation pour éviter la dépendance et la tolérance à un produit. Certains, réunis en petits groupes, acquièrent les substances en commun sur Internet, un des membres effectuant les achats pour l’ensemble. Ils partagent ensuite leur expérience entre eux ou avec d’autres, à travers des forums sur Internet consacrés aux produits psychoactifs;
  • des jeunes adultes, souvent déjà usagers de drogues et fréquentant l’espace festif alternatif techno. Ces consommateurs ont pu rencontrer les NPS, parfois à leur insu, lorsque ces substances étaient vendues sous des noms de substances illicites classiques. Dans ce groupe, et dans l’espace festif en général, la diffusion des NPS semble être en partie liée à la disponibilité et à l’image des produits illicites qu’en ont les consommateurs ;
  • d’un public plus jeune, constitué de personnes usagères occasionnelles de drogues, a priori socialement insérées, pouvant acheter sur Internet. Très peu sensibilisées aux messages de réduction des risques, elles constituent à la fois le groupe le plus « à risque » du point de vue des conséquences sanitaires possibles de l’usage de NPS, et celui que les vendeurs en ligne semblent particulièrement viser à travers leurs stratégie marketing.

À l’heure actuelle, les risques à long terme de l’usage de ces produits (leur toxicité chronique ou leur potentiel de pharmacodépendance) sont très peu connus. Des études s’avèrent nécessaires pour réaliser cette évaluation. Qui les mènera, avant qu’il ne soit trop tard ?