« La ministre, le chanvre électronique et l’ivresse cannabique » ( Dr William Lowenstein)
19 décembre 2014 2014-12-19 12:47« La ministre, le chanvre électronique et l’ivresse cannabique » ( Dr William Lowenstein)

« La ministre, le chanvre électronique et l’ivresse cannabique » ( Dr William Lowenstein)
« La commercialisation d’une cigarette électronique permettant de vapoter un composant du chanvre, le CBD, ouvre ce jour la porte à bien des exagérations et à des approximations dangereuses.
Le cannabis décidément ne rend pas intelligents, aussi bien ceux qui en fument trop et trop tôt que ceux qui n’en fument pas mais en parlent, droits dans leurs petites bottes.
Passe encore (ou pas !) que plusieurs journalistes préfèrent l’accroche (« le joint électronique ») à l’analyse des effets du composant proposé à la vente et de sa faible concentration, mais comment comprendre la sortie immédiate de notre pourtant éclairée ministre de la Santé ?
Une équipe qui perd
Interdire, il faut interdire ! Pour qui, pourquoi ? Pour protéger notre jeunesse du cannabis, évidemment…Mieux vaut tard que jamais et on ne change pas une équipe, une méthode qui perd…
Notre pays ne laisse décidément aucune possibilité à un ou une responsable politique de nuancer ses propos dès que le mot cannabis est prononcé. Il faut vite dégainer sous peine de se voir accuser de laxisme ou d’irresponsabilité. Tout ceci frôle le réflexe pavlovien. A tel point qu’on peut imaginer qu’un bon stratège en communication ou en marketing a joué sur ce réflexe conditionné pour assurer la promotion de son produit.
Animaux domestiques
Précisément, parlons du produit. Il ne s’agit de THC ou de 9-delta-THC dont les effets psychoactifs modifient la pensée, l’humeur, la relation aux autres, le sommeil et la sensorialité – des effets recherchés par la plupart des usagers de joints. Ici le liquide proposé au vapotage est du CBD dont les actions psychoactives sont bien plus limités, avec des effets « anti-stress » qui restent à démontrer par cette voie, à cette chaleur et à cette concentration.
Puisque les comparaisons sont faites pour les petits animaux domestiques que nous devenons dès que nous parlons du cannabis ou chanvre, j’en proposerai deux :
– Crier au sabotage de la lutte contre l’alcoolo-dépendance si apparaissait sur le marché une bouteille d’une nouvelle forme contenant du jus de raisins ?
– Assimiler, du point de vue addictif, la mastication de feuilles de coca et la consommation de cocaine basée (ou crack) ?
Saisir la réalité
Supposons que cette cigarette de CBD dite « électronique » ait quelque effet sédatif ou anxiolytique. Pourquoi ne pas s’en saisir pour poursuivre notre réflexion scientifique -et non plus politique- sur les différentes molécules du chanvre et leurs possibilités thérapeutiques ? Marisol Touraine l’avait pourtant bien compris en promouvant (en janvier dernier) la commercialisation du Sativex® pour l’année 2015.
N’est ce pas aussi l’occasion de se saisir de la réalité des usages persistants malgré nos grandes proclamations et nos interdictions à répétition ? L’occasion d’initier des stratégies de réduction des risques face au cannabis fumé dont les filtres « marocains » ou cartonnés n’empêchent en rien les inflammations des voies aériennes et le potentiel cancérigène ?
Irrecevable
Que ce soit pour la e-cigarette (principale, pour ne pas dire première , avancée efficace contre les méfaits du tabagisme) ou pour le cannabis, la frilosité ne peut plus être une approche sanitaire recevable pour ce qui nous concernent tous : la prévention et la réduction des risques des addictions.»
Dr William Lowenstein
Interniste et addictologue
Président de SoS Addictions
www.sos-addictions.org