« E-LIQUIDES : STOP A LA DESINFORMATION MASSIVE !
4 avril 2014 2014-04-04 13:03« E-LIQUIDES : STOP A LA DESINFORMATION MASSIVE !
En réaction aux articles alarmistes sur les empoisonnements avec les e-liquides
Le 23 mars 2014, le New York Times[1]publiait un article alarmant sur le nombre croissant d’appels aux centres antipoisons américains pour des intoxications avec des e-liquides, soit 1.351 cas en 2013, dont la moitié pour des enfants de moins de 5 ans. Un toxicologue interviewé ajoutait qu’une petite cuillère de e-liquide pouvait tuer un adulte. La plupart des médias partout dans le monde se sont empressés de propager l’information telle quelle, sans aucune vérification, ni mise en perspective. Pourtant cette nouvelle est très rassurante : malgré les millions de flacons de e-liquides circulants, en constante augmentation, aucune mort n’est à déplorer et les appels aux centres antipoisons ne représentent que 0,06 % des cas d’intoxications aux États-Unis.
Ne tombons pas dans le piège du« Sang à la Une » et regardons concrètement tous les chiffres disponibles. En 2011, il y a eu plus de 2,3 millions d’appels aux centres antipoisons aux États-Unis pour des humains[2](2.334.004 exactement), dont la moitié pour des enfants de 5 ans (46,94 %). Ces appels concernaient des médicaments dans 715.544 cas. Les cas les plus fréquents étaient le fait d’analgésiques pour 11,7 % des cas, de cosmétiques pour 8 % des cas, de produits ménagers pour 7 % des cas et d’anxiolytiques pour 6,1 % des cas.
Le nombre de décès s’est élevé à 1.995 cas, dont 18 cas d’enfants (soit seulement 1 % heureusement). Les médicaments constituent de loin la première cause de décès et en voici le palmarès pour les trois catégories les plus dangereuses.
Médicaments analgésiques :
– Paracétamol : 276 morts (dont 159 par paracétamol-codéïne)
– Morphine et Fentalyl : 158
– Méthadone : 134 morts
– Tébaïne : 120 morts
– Aspirine : 39 morts
– Tramadol : 24 morts
Médicaments psycho-actifs :
– Antidépresseurs : 148 morts (dont 17 avec le Bupropion, utilisé notamment pour le sevrage tabagique)
– Anxiolytiques : 111 morts
Médicaments cardiovasculaires : 128 morts
Concernant les 18 décès d’enfants, les substances en cause étaient des analgésiques dans 11 cas, des amphétamines dans 6 cas, des médicaments contre le rhume dans 5 cas, et des produits ménagers dans 4 cas, la prise de plusieurs substances étant possible).
Au vu de ces chiffres, on ne peut que regretter qu’aucun médicament ne soit délivré dans des emballages de sécurité. Les plus puissants des antalgiques, des antidépresseurs, des anxiolytiques et les produits cardiovasculaires les plus dangereux sont en libre circulation depuis des dizaines d’années et tuent des milliers de gens par accident sans que personne ne s’en émeuve.
Et maintenant réexaminons les chiffres rapportés par le New York Times : 1.351 appels aux centres antipoisons en 2013 pour des e-liquides, dont 365 hospitalisations (et non pas cas graves comme on a pu le lire partout), et zéro mort. Cela ne représente que 0,06 % du total des appels et aucun cas dramatique n’a été à déplorer. Cela confirmerait plutôt l’efficacité des bouchons de sécurité équipant les flacons de e-liquides.
Le 3 avril 2014, le CDC américain (Centers for Disease Control and Prevention) publiait à son tour un communiqué de presse dans lequel il ne signalait rien de plus que le New York Times si ce n’est 2.405 expositions aux e-cigarettes entre septembre 2010 et février 2014. Le directeur du CDC, le Dr Tom Frieden ajoutait que si la moitié des appels concernaient des enfants, ce devait être du fait de leurs « arômes de bonbons ou de fruits qui les attirent ». Nous avons vu que tous les appels pour intoxication concernent dans la moitié des cas les enfants, ce qui rend cette conclusion vide de sens.
Les trois conclusions sont malheureusement évidentes :
– La première est que les e-liquides avec leurs bouchons de sécurité sont très peu dangereux.
– La deuxième est que l’industrie du tabac, qui est manifestement derrière l’article du New York Times, recommence la guerre médiatique qu’elle avait si bien réussie contre les substituts nicotiniques. Vous vous souvenez certainement de cette rumeur complètement fausse : « Si vous fumez avec un patch, vous risquez de mourir d’un infarctus ! » Elle était aussi lancée par le New York Times en 1992[3], un an après l’autorisation de commercialisation des patchs. Cette rumeur a tué beaucoup de gens qui ont préféré refumer que continuer leur patch. Et les nouvelles rumeurs marchent : les ventes d’e-cigarettes commencent à infléchir, et elles sont maintenant interdites à New York, Boston, Chicago, Los Angeles…
– La troisième est que les institutions officielles de santé publique participent naïvement à ces rumeurs sans prendre de recul. Ce fut le cas cette année du CDC, et en 1992 de la FDA. De fait beaucoup d’acteurs de la lutte antitabac dans le monde agissent aujourd’hui contre la cigarette électronique se faisant les Alliés de facto de l’industrie du tabac. N’est-ce pas inconséquent quand le constat est fait que jamais la consommation de tabac n’a autant reculé qu’en 2013 dans les pays occidentaux, grâce à l’essor de la cigarette électronique ? Dans ce contexte on ne peut que saluer la prise de position pro e-cigarette du Royal College of Physicians le 20 mars dernier[4].
Pour aller plus loin :
Voir aussi l’article de Jean-Yves Nau sur le même sujet
[1] New York Times. Selling a Poison by the Barrel: Liquid Nicotine for E-Cigarettes. Published: March 24, 2014.
[2] Clin Toxicol (Phila). 2012 Dec;50(10):911-1164. doi:10.3109/15563650.2012.746424. Bronstein AC. 2011 Annual report of the American Association of Poison Control Centers’ National Poison Data System (NPDS): 29th Annual Report.
[3] New York Times. F.D.A. Will Look Into Heart Attacks by Users of Nicotine Patches. Published: June 20, 1992.
[4] http://www.rcplondon.ac.uk/commentary/what-you-need-know-about-electronic-cigarettes