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Baclofène : la révolution alcoolique est maintenant sur les chapeaux de roues

Journalisme et Santé Publique

Baclofène : la révolution alcoolique est maintenant sur les chapeaux de roues

Dominique Maraninchi avait-il prévu le coup suivant ? Le successeur du directeur général (partant) de l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) imagine-t-il la bombe l’attend à l’ombre de la basilique de Saint-Denis et des anciens pianos Pleyel ?
On sait ce que l’Ansm vient de faire : après neuf mois d’atermoiements sur la définition administrative du sexe des chérubins elle a d’accordé une RTU pour le baclofène dans le traitement de l’alcoolo- dépendance et de l’abus d’alcool. On peut voir ici le fruit défendu tant attendu : Avenue de Ségur, non loin des Invalides, du Vatican et des champs élyséens, on tremble encore de tant d’audace.
Bisons jaunes
De fait une petite révolution est en marche. Au royaume des alcooliques cette  RTU a été perçue comme la preuve que Versailles entendait les souffrances du craving et de la cirrhose, des blancs limés de l’aube, de la deuxième bouteille de vodka de bois, des bisons jaunes inter-ventriculaires.
Versailles entend et comme jadis on s’exprime par écrit. Les écrans ont pris la place des cahiers, mais ce sont bien, toujours, des doléances. Une forme polie d’expression des souffrances, un pari sur l’intelligence de ceux et celles qui, pour l’heure, nous gouvernent.
Premières doléances
Un premier de ces cahiers vient de nous parvenir. Au lendemain de la RTU les trois signataires (1) se disent « prêts à jouer tout leur rôle dans le domaine de la formation » ; et prêts « à apporter aux médecins prescripteurs de baclofène le soutien nécessaire ». Ils rappellent aux princes et princesses que cette RTU est « un acquis de la mobilisation des patients eux-mêmes et des associations de patients ayant un problème d’alcool ». Egalement « un acquis à mettre au crédit des différents praticiens qui ont mené un travail clinique considérable auprès de leurs patients, en prescrivant le baclofène hors AMM ». On ajoutera, ce qu’ils ne font pas que beaucoup fut fait, depuis Paris et Saint-Denis, pour que cessent ces prescriptions. Passons.
Tigreville
Mars 2014. Cette RTU donne un cadre légal et un dispositif de pharmacovigilance à cette prescription, dans l’attente du résultat des études « Bacloville » et « Alpadir », le remboursement par l’Assurance Maladie complétant ce dispositif. Le recueil de données prévu par la RTU est proche de celui existant pour l’étude « Bacloville ». Il doit rester simple en pratique pour les médecins et s’articuler avec le dispositif mis en place par le RESAB (Réseau Addictions Baclofène) dans le cadre d’un réseau sentinelle.
« Nous suggérons »
Extrait du cahier : « Nous souhaitons que les particularités de prescription liées aux seuils de posologies fixés dans cette RTU, 120 mg/j pour un deuxième avis de collègue expérimenté et 180 mg/j pour un avis collégial, prennent en compte la pratique actuelle des médecins prescripteurs. Cela ne peut être qu’une recommandation et non une obligation et nous suggérons qu’ils conservent leur capacité de prescription afin d’assurer la continuité des soins engagés. » On appréciera le recours au verbe suggérer. Il est suivi de proposer.
« Nous proposons »
Dans cet objectif de sécurisation et d’accessibilité au traitement les auteurs proposent :
que tout médecin généraliste ou psychiatre qui a une bonne expérience du baclofène ou qui participe à un réseau addictologique national (MG Addictions, RESAB, Addictolib) ou régional soit considéré comme expérimenté et puisse prescrire le baclofène au-delà de 120 mg/J. Pour les autres cas, un avis téléphonique pourrait être donné par ce 2è collègue expérimenté. Un dispositif de médecin régional référent, susceptible d’apporter conseil et aide aux prescripteurs de baclofène pourrait aussi être initié.
que l’avis collégial pour les posologies supérieures à 180 mg/j soit recommandé et non obligatoire, et s’inscrive dans un renforcement de la coopération médecin généraliste – CSAPA et service hospitalier d’addictologie, afin d’apporter de la fluidité et de fonctionner dans les deux sens, pour autant que ces structures aient expérimenté la prescription de baclofène et en aient acquis une expérience clinique.
En pratique, le degré de complexité du patient au plan psychiatrique , comportemental et social n’est pas lié à la posologie de baclofène prescrite. L’expérience montre que les effets indésirables surviennent la plupart du temps en début de traitement et non du seul fait de posologies élevées . La mise en oeuvre de cette RTU par les médecins généralistes (acteurs essentiels de premier recours et de proximité dans la prise en soin des patients ayant un problème d’alcool) suppose un dispositif de formation efficace , dans le cadre du DPC et des réseaux existants en addictologie .
« Nous résumons »
Pour les décideurs pressés les auteurs ont songé à un résumé :
« Nous demandons que :
1/ chaque médecin prescripteur, quelle que soit sa spécialité, puisse juger lui-même, comme le code de déontologie le demande, s’il est compétent pour traiter ses patients seul ou en collaboration avec le médecin de son choix;
2/ l’avis d’un confrère ou d’un « collège d’addictologues » soit facultatif et non « requis », et cela quelle que soit la dose envisagée;
3/ des formations soient recommandées et organisées dans le cadre du DPC, ainsi qu’un travail en réseau de soins;
4/ le baclofène soit prescrit en première intention si le patient le demande (est-il éthique de lui demander d’abord d’échouer avec les autres méthodes avant de réussir avec le baclofène ?);
5/ les malades souffrant de pathologies psychiatriques puissent être traités comme les autres, à condition d’être stabilisés et suivis;
6/ le baclofène soit remboursé par l’assurance maladie. »
Précisément : qu’en pense cette assurance maladie, elle qui n’existe que grâce à nous tous et qui ne nous dit jamais rien ?
Cette missive est signée Claude Magnin, médecin généraliste, tel 06.85.12.13.26
Patrick de La Selle Président du RESAB tel : 06 82 50 18 41
Jean-Pierre Couteron, Président de la Fédération Addiction. Nathalie Latour, Déléguée générale, tél  01 43 43 72 38 – 06 12 21 07 25
Ils représentent  « MG Addictions »,  la « Fédération Addiction » et le « RESAB »
MG Addictions est un collectif informel de médecins généralistes qui échangent quotidiennement sur leurs pratiques, à partir d’une plate forme virtuelle. Ce collectif tout en gardant ce mode de travail interactif et souple a fait le choix de partager ses questionnements au sein de la Fédération Addiction tant pour les aspects cliniques que pour avancer sur une représentation de la médecine générale dans la prise en charge des problématiques d’addiction. Plusieurs médecins membres de MG Addiction sont impliqués dans des groupes de travail de la FA et un représentant a été élu au conseil d’administration.
Fédération Addiction fédère 205 personnes morales représentant plus de 700 établissements, services (CSAPA, CAARUD, CJC, CTR, CT, ELSA, etc.) et 420 personnes physiques (médecins de ville, praticiens hospitaliers, professionnels de la prévention, du médico-social, etc.).
RESAB (Réseau Addictions Baclofène) est une association crée en mars 2012 qui vise à regrouper et organiser et former les médecins et les professionnels de la santé et du social voulant développer leurs pratiques autour du Baclofène et permettre son accès à tous ceux qui en ont besoin. Site resab.fr