Salles de shoot : l’Académie de pharmacie renvoyée dans ses buts
13 mars 2014 2014-03-13 14:42Salles de shoot : l’Académie de pharmacie renvoyée dans ses buts
L’addiction est une maladie et l’Académie de pharmacie est une institution (1). Une maladie parfois bien douloureuse, bien sale et une institution bien vénérable. La maladie se nourrit de drogues (dites « de rue ») quand l’Académie trône en son avenue. Peu de stupéfiants dans les caniveaux en ivoire de l’avenue de l’Observatoire. Une bien belle percée qui correspond au méridien de Paris. C’est là, au n°4 que des Académiciens viennent de perdre le nord.
SOS Addictions
Tel est, grossi et résumé personnellement à la hache, le point de vue que viennent de publier sur leur site des professionnels réunis au sein de l’association SOS Addictions (2). Un point de vue signé Stéphane Robinet , pharmacien et président de Pharm’addict. Résumons. Il y a quelques jours l’Académie de pharmacie émettait un avis on ne peut plus défavorable à l’expérimentation de salles d’injection contrôlée de « drogues de rue » (voir « Salles de shoot : l’attaque en piqué de l’Académie de pharmacie »).
Drogues de rue
Cet avis est adressé au gouvernement qui prépare un projet de loi visant à ouvrir en France les premières : « salles de consommation à moindre risque » (SCMR). Projet de loi puisqu’il doit en être fait selon les récents vœux du conseil d’Etat. Voici ce qu’il peut en être des « drogues de rue ».
L’Académie a 210 ans d’âge. Elle oublie, dans son avis, l’expertise collective de l’Inserm publiée en 2010 et d’autres études (parues dans The Lancet notamment) démontrant l’intérêt de ces salles de consommation à moindre risque pour réduire les dangers spécifiques liés à l’injection. Ces espaces permettent de réduire le nombre des morts par overdose. Ils augmentent l’offre de soins de sevrage et de substitution par des opiacée. Incidemment ces « salles » assurent une réduction des injections dans les espaces publics. L’Académie a 210 ans d’âge. Elle oublie qu’en 2009 on recensait de telles « salles » dans des dizaines de villes en Allemagne, en Australie, au Canada, en Espagne, au Luxembourg, en Norvège, aux Pays-Bas et en Suisse.
Dealers-pharmaciens
« L’Académie justifie sa position en émettant dix points. Chacun mérite une analyse, des éclaircissements et un contre-avis » écrit Stéphane Robinet. Un exemple. Les académiciens observent, pour le refuser, que les produits illicites qui vont y être consommés sont des substances non certifiés et donc dangereuses. C’est là un argument intéressant. Il faut en tirer les conséquences : imposer aux dealers d’obtenir leur diplôme de pharmacien avant d’exercer leur métier, de manière à ce que l’on puisse commencer en France à expérimenter les SCMR.
Les académiciens estiment que l’on ne pourra apporter « la garantie d’éviter les contaminations par le VIH ou le VHC » puisque « la majorité des patients sont le plus souvent déjà contaminés ». « Selon les estimations près de 60 % des usagers de produits de rue injectés sont potentiellement contaminés par le VHC, et 15% par le VIH. Nous sommes dès lors très loin de la quasi totalité décrite par nos sommités, écrit Stéphane Robinet. D’autant que les messages de prévention pour une ‘’ meilleures pratiques d’injection ou de sniff des produits de rue’’ ont été entendues par les usagers et ont déjà aboutis à des résultats spectaculaires dans ce domaine. Le public attendu dans les SCMR est une excellente « cible » pour ces messages si l’on souhaite continuer à ‘’contenir’’ l’épidémie de VHC ou de VIH chez les usagers de drogue. »
Soins académiques
Mêmes erreurs, approximations ou contre-vérités dans les points académiques suivants. « Dommage que notre Académie de pharmacie n’ait pas pris en compte la spécificité de ces usagers de drogue en grande précarité, conclut Stéphane Robinet. Ces personnes se refusent encore (pour des raisons multiples qui leur appartiennent) à accepter le ‘’soin académique’’. »
Il est de la liberté de ceux qui sont dans le caniveau que nous puissions prendre soin d’eux, au plus près et au mieux. Qu’en serait-il de la responsabilité, morale sinon juridique, de ceux qui, en haut du pavé, obtiendraient que l’on ne puisse leur tendre la main ?