Alcoolisme : l’exaspération des pro-baclofène
24 février 2014 2014-02-24 13:36Alcoolisme : l’exaspération des pro-baclofène
C’est un « coup de gueule » doublé d’un coup de semonce. L’opération a commencé aujourd’hui sur les ondes d’Europe1. Elle devrait se poursuivre ici et là sur d’autres médias dans les jours qui viennent. Celles et ceux qui suivent l’affaire du baclofène en connaissent la trame. Ils savent aussi que c’est une longue affaire, une affaire lassante (on trouvera ici la somme des billets de ce blog qui lui ont été consacrés).
Urgence absolue
Une nouvelle fois donc, dans les médias, des médecins prescripteurs, des responsables associatifs et des alcooliques qui disent être revenus de l’enfer. Chacun à sa manière témoigne et revendique. Témoigne des vertus de cette spécialité pharmaceutique et revendique que ses indications soient élargies à la prise en charge des malades alcooliques. On entendra ici les propos mesurés de Samuel Blaise, porte-parole de l’association Aube Baclofène et de l’association baclofene.org
Les prescriptions hors AMM ont, en France, atteint spontanément des volumes considérables. Mis en œuvre fort tardivement les deux essais cliniques en cours ne donneront pas de résultats utilisables avant longtemps. Face à ce phénomène sans précédent l’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) semble ne pas prendre la mesure de cette affaire de santé publique. Ou ne pas vouloir la prendre. Et dans tous les cas prendre un temps qui semble incompatible avec ceux qui ont ici un sentiment d’urgence absolue.
Atermoiements
Comment comprendre ? Début juin 2013 Dominique Maraninchi, directeur général de l’Ansm annonçait publiquement la mise en œuvre dans les meilleurs délais d’une « Recommandation Temporaire d’Utilisation » (RTU) du baclofène dans l’addiction à l’alcool. Cette RTU était alors une affaire de quelques semaines. Puis vinrent quelques atermoiements. Puis d’autres. Fin décembre on nous assurait, de très bonne source, que c’était sur le point d’être réglé. Et voici que l’on parle à nouveau de nouveaux délais, incompressibles. Pendant ce temps l’Ansm se tait. Pour ne pas parler du ministère de la Santé qui semble, officiellement du moins, comme étranger à ce dossier.
Tribune print
« Je pense que l’on fait peu de cas de la vie des malades alcooliques. La RTU avait été promise pour septembre 2013. Aujourd’hui, soit presque six mois plus tard, cela signifie que 30.000 vies auraient pu être épargnées si on avait autorisé le baclofène », estime le Dr Renaud de Beaurepaire, l’un des principaux promoteurs de cette spécialité. Ce dernier va très bientôt, avec le Pr Bernard Granger, publier un communiqué de presse que l’on trouvera sur le web. Si tout va bien il sera suivi par une tribune print et vespérale signée par plusieurs noms connus du corps médical.
On y parlera d’une « révolution médicale en route » dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. D’une découverte due au Dr Olivier Ameisen, aujourd’hui disparu. D’une découverte qui « doit être enfin reconnue par les autorités de santé pour que chaque malade alcoolo-dépendant puisse bénéficier de ce traitement peu onéreux ». On y redira aussi que « depuis 2008 plusieurs milliers de malades alcooliques se sont libérés de leur addiction ».
Exaspération
Cette tribune mandarinale redira enfin que chaque jour de retard équivaut à 130 morts prématurées supplémentaires (1). Peut-être y a-t-il ici quelques exagérations, comme une forme de sacralisation qui peut sembler outrancière à des praticiens extérieurs au sujet. Peut-être ne faut-il pas tenir compte des hypothèses complotistes nourries par les pro-baclofène et visant un futur et coûteux concurrent du baclofène générique.
Mais peut-être la puissance publique devrait-elle prendre garde aux possibles conséquences de l’exaspération de ces malades qui ont vu la mort-alcool dans les yeux – des affranchis qui pensent devoir la vie à un produit que l’on refuse à d’autres. Dire vrai il y a ici, dans cette absence de communication, quelque chose de difficilement concevable. Et sans doute, bientôt, de difficilement supportable.